La capitale de l'Etat Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie, a été placée sous couvre-feu dimanche à la suite de violences entre bouddhistes et musulmans qui ont fait au moins sept morts et menacent de s'étendre, ont annoncé les médias gouvernementaux.
Sittwe et trois autres villes de cet Etat, dans lequel 17 personnes ont aussi été blessées, sont désormais soumises à un couvre-feu entre 18H00 (11H30 GMT) et 06H00 du matin. "Il apparaît que des gens essayent de mettre à mal la sécurité publique et la règle de droit", ont indiqué la radio et la télévision publiques.
"Nous pensons qu'il pourrait y avoir des affrontements", ont-ils ajouté. Les rassemblements de plus de cinq personnes ont été interdits, ainsi que "prononcer des discours, défiler, inciter aux émeutes ou à des affrontements".
Les tensions religieuses sont montées d'un cran après le meurtre de dix musulmans, lynchés il y a une semaine par une foule en colère, dans le sud de l'Etat Rakhine (autrefois appelé Arakan).
Quatre bouddhistes ont ensuite été tués vendredi avant une seconde flambée de violences samedi. L'appartenance ethnique et religieuse des trois autres personnes ayant trouvé la mort restait difficile à établir. Près de 500 maisons ont été détruites, toujours selon les médias locaux.
Les autorités accusent les Rohingyas, une minorité musulmane apatride qui n'est donc pas reconnue comme étant birmane, d'être responsables de ces violences qui ont débuté près de Maungdaw, à la frontière avec le Bangladesh.
Le quotidien officiel New Light of Myanmar a lancé un appel solennel au calme. "La haine, les malentendus ou toute autre forme de conflit (...) ne servent les intérêts de personne, mais invitent à la revanche, l'anarchie, la stagnation", a-t-il estimé.
A Sittwe, un habitant contacté au téléphone a dit avoir vu un homme se faire poignarder devant lui, ainsi qu'un face-à-face tendu entre des groupes rakhines et Rohingyas, près de l'université, dans l'après-midi. L'AFP n'a pu vérifier de source indépendante si la ville était encore le théâtre de violences dimanche.
"Si la situation se poursuit, il n'y aura pas de sécurité pour les gens de la ville", a estimé cet habitant, accusant les Rohingyas d'"invasion" et les qualifiant de "terroristes".
A Rangoun, quelque 600 personnes se sont rassemblées à la pagode Shwedagon, haut-lieu du bouddhisme national, pour réclamer justice avec des propos assimilant musulmans indiens et bangladeshis et Rohingyas.
"Pas de place pour les terroristes bengalis" et "sauver les Rakhines", pouvait-on lire notamment sur des pancartes.
Les violences "dégradent la sécurité nationale, les intérêts nationaux et la règle de droit. Ce n'est pas seulement le problème du pays, mais aussi le problème du monde entier", a déclaré Tin Htoo Aung, président du Réseau national rakhine, une organisation militante.
Les manifestants ont appelé "le gouvernement à renforcer la sécurité" et critiqué la couverture des événements par des médias locaux et étrangers.
Les Rohingyas ne font pas partie des nombreuses minorités ethniques reconnues par le régime de Naypyidaw. Beaucoup de Birmans les considèrent comme des étrangers et manifestent à leur égard un racisme à peine voilé.
Les quelque 750.000 Rohingyas du pays, privés de nationalité, sont confinés dans le nord de cet Etat. Environ 300.000 autres vivent dans des camps au Bangladesh. Ce peuple est considéré par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées au monde.
Dacca a déclaré avoir renforcé la sécurité à sa frontière avec la Birmanie, en particulier autour des camps.
Au-delà de la question des Rohingyas, ces violences mettent en exergue les tensions religieuses sous-jacentes en Birmanie où, soulignent les experts, être birman signifie généralement être bouddhiste.
Les musulmans représentent officiellement 4% de la population, à 89% bouddhiste. La tension a conduit à des séries d'émeutes antimusulmanes dans le pays ces 15 dernières années, notamment dans l'Etat Rakhine, qui accueille une importante communauté musulmane.