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L'errance des Rohingyas - 23.01.2009

 
Les Rohingyas, minorité musulmane persécutée en Birmanie, indésirables au Bangladesh
 
AP, le 14 mars 2010
   

Dildar Begum n'a plus de pays, pas d'emploi, rien à manger. Son mari est aujourd'hui emprisonné au Bangladesh où elle survit dans un bidonville avec ses cinq enfants, réduite à mendier du riz auprès de voisins pauvres, sept mois après avoir fui la Birmanie

"Je ne peux pas vivre ainsi. Ce serait mieux si mes enfants et moi mourions d'un coup", lance la jeune femme de 25 ans.

Dildar Begum fait partie des milliers de membres de la minorité ethnique Rohingya qui ont gagné le Bangladesh pour échapper aux persécutions dont ils étaient victimes en Birmanie. Dans cet exil désespéré, ils n'ont trouvé que bidonvilles et camps où nourriture et eau sont rares, et soins médicaux inexistants.

Musulmans, les Rohingyas sont indésirables dans la Birmanie bouddhiste. Et indésirables comme étrangers dans ce Bangladesh musulman.

Ces derniers mois, les autorités de Dacca ont multiplié les opérations contre eux. Nombre ont été arrêtés et expulsés tandis que la sécurité était renforcée le long de la frontière poreuse avec la Birmanie.

Parallèlement, le gouvernement a découragé les ONG de distribuer des vivres à la plupart d'entre eux, redoutant que de telles actions n'attirent d'autres réfugiés, a confié un responsable gouvernemental à l'Associated Press sous couvert d'anonymat. Sans aide, les Rohingyas sont confrontés à la famine, selon des militants. "Une grave crise humanitaire menace", soulignait en février Chris Lewa, du Projet Arakan, un groupe de défense des Rohingyas.

Les quelque 800.000 membres qui composeraient cette minorité seraient les descendants de colons arabes du VIIe siècle dont l'Etat situé le long de la frontière actuelle birmano-bangladaise a été conquis par les Birmans en 1784.

La junte au pouvoir en Birmanie refuse de les reconnaître comme citoyens. Dans ce pays, la minorité est en butte aux extorsions de fonds, à la confiscation de terres, aux expulsions forcées et n'a qu'un accès restreint aux soins médicaux et à la nourriture, selon l'ONG Human Rights Watch.

Des milliers de Rohingyas ont fui en Malaisie et en Thaïlande ou ont bravé les mers vers le Moyen-Orient dans l'espoir d'y trouver du travail. L'an dernier, la Marine thaïlandaise a intercepté des bateaux transportant un millier de Rohingyas, qui ont été frappés et contraints à reprendre la mer dans des embarcations sans moteur, avec peu d'eau ou de nourriture, selon des informations diffusées par des groupes de défense des droits de l'Homme.

Vendredi encore, les autorités malaisiennes ont annoncé avoir découvert 93 Rohingyas qui disent avoir navigué pendant 30 jours dans une embarcation bondée, après avoir été semble-t-il chassés des eaux thaïlandaises.

La plupart des Rohingyas, cependant, ont fui à pied ou par bateau vers la région de Cox's Bazar au Bangladesh, où quelque 28.000 d'entre eux, inscrits comme réfugiés, vivent dans les camps officiels de Kutupalong (295km au sud de Dacca) et de Naya Para. Le camp de Kutupalong est bien équipé en installations médicales et dispose de générateurs, d'un centre d'apprentissage et de terrains de volley-ball.

Mais au moins 200.000 autres Rohingyas présents à Kutupalong n'ont pas obtenu le statut de réfugié et vivent sous la menace constante d'être arrêtés ou renvoyés chez eux. N'ayant pas le droit de travailler, nombre survivent en soudoyant des responsables forestiers, en échange de l'abattage illégal d'arbres et de la vente de bois, selon des villageois. "Ils détruisent la forêt", accuse A.F.M Fazle Rabbi, un responsable gouvernemental en charge de la zone.

Sept mois après avoir fui avec sa famille et quelque 2.500 autres les attaques de leurs voisins bouddhistes dans l'Etat birman de Rakhine (nord-ouest), Dildar Begum est obligée de mendier pour nourrir sa fille et ses quatre fils. Son époux, Jamir Hossain, 35 ans, avait trouvé du travail comme journalier dans les bidonvilles qui ont fleuri autour du camp de Kutupalong. Mais la police l'a interpellé le mois dernier lors d'un coup de filet.