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Les Ouzbeks du Kirghizistan désabusés avant les élections

Reuters, le 8 octobre 2010

La démocratie est loin d'être la préoccupation majeure des Ouzbeks de souche du Kirghizistan qui vivent à Och, dans des quartiers incendiés il y a quatre mois lors des plus violentes émeutes dans le pays depuis la chute de l'Union soviétique en 1991.

Alors que la république d'Asie centrale organise dimanche des élections législatives, les premières après le renversement en avril du président Kourmanbek Bakiev, leur priorité est plutôt de reconstruire leurs maisons détruites, sous la menace de l'hiver qui approche à grands pas.

"Cela fait maintenant deux mois que nous n'avons plus reçu une aide humanitaire", déclare Bakhtiyor Toursounbaïeva, une ancienne cuisinière âgé de 44 ans. "Je ne travaille plus, parce que personne ne vient plus dans ma maison de thé où je faisais la cuisine."

La présidente kirghize par intérim, Roza Otounbaïeva, espère que les élections favoriseront l'unité d'un pays traumatisé par les affrontements du mois de juin qui ont fait 400 morts, principalement dans le Sud divisé entre Kirghizes et Ouzbeks de souche.

Mais ses opposants redoutent que ce vote soit ignoré par les minorités qui n'ont plus aucune confiance dans les formations politiques dirigées par les Kirghizes, voire qu'il suscite de nouvelles tensions ethniques.

Les Ouzbeks de souche représentent environ la moitié de la population dans les régions du sud du pays. La vallée de Ferghana, enclavée entre l'Ouzbekistan et le Tadjikistan, abrite des Tadjiks, Ouïghours ou Tatars.

ÉMIGRATION

"J'aimerais voir quelqu'un se présenter pour l'harmonie entre les différentes nationalités", déclare Adbullah Tachibaïev, un Ouïghour qui a travaillé comme tailleur pendant près de quarante ans.

Tachibaïev a dû fuir sa maison de sept pièces détruite par le feu. Comme d'autres, il dit avoir reçu très peu sinon aucune aide des autorités intérimaires pour la reconstruction.

Le prix du bois de construction a doublé pour atteindre 470 dollars le m3 ces derniers mois. Les marchés des quartiers ouzbeks, autrefois gorgés de fruits et légumes, ne vendent plus que de l'eau minérale et des paquets de riz ou de détergent. Beaucoup d'étals sont vides et abandonnés.

De nombreux Ouzbeks de souche, effrayés par la menace de représailles et intimidés par les forces de sécurité kirghizes, ont décidé d'aller travailler à l'étranger.

"Tous nos garçons sont partis travailler en Russie. Autrement, la police les aurait tous arrêtés", déclare Toursounbaïeva.
La campagne électorale a été pratiquement inexistante dans les quartiers ouzbeks. Seules quelques affiches modestes sont apposées en faveur du parti Respublika d'Omourbek Babanov, un homme d'affaires et ancien député.

Le contraste avec les quartiers kirghizes d'Och est saisissant, où des militants crachent leurs mots d'ordre dans des haut-parleurs devant des camionnettes bardées de slogans de leurs partis.

Les formations les plus visibles à Och sont le Parti social-démocrate du Kirghizistan, dirigé par Almazbek Atambaïev, et le parti Ata Jourt de Kamtchibek Tachiyev, qui s'oppose au régime parlementaire et à l'administration intérimaire en place à Bichkek, la capitale.

Au total, 29 partis se sont enregistrés pour ces élections, mais aucun ne sied à Gulnara, une infirmière oubzek de souche de 44 ans, qui accuse une foule kirghize d'avoir assassiné son mari sous ses yeux en l'aspergeant de pétrole avant de mettre le feu. "Je détruirai chaque liste. Ce sont des animaux", dit-elle.

"Je suis seule avec mes trois enfants et les Kirghizes continuent de nous humilier", raconte cette femme qui refuse de donner son nom de famille. "Peu importe pour qui on votera. Ils manipuleront les chiffres pour faire élire leur tante ou leur oncle."

Comme beaucoup au Kirghizistan, Gulnara rejette l'idée du régime parlementaire et préférerait voir un homme fort aux manettes du pays, comme Islam Karimov en Ouzbekistan.

Toursounbaïeva a un autre espoir, que la démocratie apporte la paix dans son pays. "Je vais voter parce que j'espère une vie normale pour les Ouzbeks, comme avant", dit-elle.

Le problème est qu'elle ne sait pour qui.

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