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Kirghizstan : la montée du nationalisme fait craindre de nouvelles violences

AFP, le 25 août 2010

Un nationalisme militant et anti-ouzbek gagne du terrain au Kirghizstan, faisant craindre, à l'approche d'élections cruciales pour la stabilité du pays, de nouvelles violences ethniques après celles qui ont ensanglanté le Sud de ce pays d'Asie centrale en juin.

Dans tout le pays, des photos de corps mutilés de Kirghiz sont distribuées lors de rassemblements électoraux pour les législatives d'octobre, alors même que c'est la minorité ouzbèke -15% de la population- qui a été la principale cible des violences, qui avaient fait des centaines de morts.

Des mots d'ordre hostiles à l'envoi d'une mission de surveillance policière de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont lancés, et les accusations d'exactions des forces de l'ordre kirghizes contre les Ouzbeks se multiplient.

"C'est quelque chose que nous observons tous de près, c'est une nouvelle menace, cette nouvelle forme de nationalisme, et personne ne sait où cela va mener", relève un haut responsable diplomatique occidental, sous couvert d'anonymat.

La capacité du gouvernement intérimaire, arrivé au pouvoir en avril à l'issue d'un soulèvement sanglant, à empêcher de nouveaux affrontements ethniques est très incertaine, tant il semble affaibli et la société divisée.

"Est-ce dans l'intérêt des autorités de laisser une place à cet ultra-nationalisme? Je ne le crois pas. Leur est-il possible de le contrôler? Je ne sais pas", s'inquiète le diplomate.

D'autant que la présidente par intérim, Rosa Otounbaïeva, une modérée, ne semble pas en mesure d'engager des poursuites contre les responsables des massacres d'Ouzbeks du mois de juin, auxquels ont participé des unités de l'armée, selon des ONG de défense des droits de l'Homme, des témoins et des victimes.

Le puissant maire d'Och, principale ville du Sud, Melis Myrzakmatov, est ainsi entré en conflit ouvert avec le gouvernement et se fait l'avocat d'une ligne nationaliste kirghize dure. Sa ville compte la principale minorité ouzbèke du pays.

Ce responsable, nommé par le président déchu en avril Kourmanbek Bakiev, est aussi accusé par les Ouzbeks d'être l'un des instigateurs des violences. Et il ne cache pas son agressivité à l'égard de la minorité.

"Les Ouzbeks s'en sont pris à la souveraineté du Kirghizstan" en juin, a-t-il ainsi déclaré au quotidien russe Kommersant, et "nous avons résisté".

La minorité ouzbèke, exclue de la classe politique et des forces de l'ordre depuis la chute de l'URSS, réclamait avant les violences une meilleure représentation et la reconnaissance de sa langue. Les Kirghiz reprochaient aux Ouzbeks une mainmise sur l'économie régionale.

Lors des affrontements de juin, nombre de commerces et de marchés ouzbeks ont ainsi été brûlés, et ils vivent désormais retranchés dans leurs quartiers.

Deux mois après les violences, "le gouvernement tente de maintenir l'apparence d'un retour à la normale", relève le centre d'analyse International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié cette semaine.

"En réalité, les autorités d'Och mènent une politique punitive contre les Ouzbeks qui pourrait déclencher de nouvelles violences. Cela pourrait d'ailleurs même être leur objectif", poursuit ce document.

Le représentant d'ICG à Bichkek, Paul Quinn-Judge, juge la situation "très préoccupante" et craint un "impact important sur la société" de cet ultra-nationalisme s'il n'est pas stoppé.

 

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