AFP, le 11 mai 2012
Les élections législatives en Algérie ont été remportées par l'alliance présidentielle, les islamistes subissant un important revers, une première depuis le début du Printemps arabe, selon des résultats officiels dénoncés par les islamistes qui accusent le pouvoir de manipulation.
Ces sept derniers mois, les partis islamistes ont accédé au pouvoir par la voie des urnes après avoir remporté les élections en Tunisie, pays ayant initié en janvier 2011 le Printemps arabe, puis au Maroc et en Egypte.
Mais en Algérie, le Front de Libération Nationale (FLN, parti présidentiel) a gagné le scrutin avec 220 sièges, tandis que son allié le Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre Ahmed Ouyahia a décroché la seconde place avec 68 sièges.
Ces deux partis, membres d'une Alliance présidentielle depuis 2004, remportent donc la majorité absolue de la nouvelle assemblée de 462 sièges, selon des résultats officiels encore provisoires, alors qu'ils avaient dû pour cela s'allier dans l'assemblée sortante aux islamistes du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP).
Ce dernier avait quitté ce groupement en janvier pour former l'Alliance de l'Algérie Verte (AVV) avec deux autres formations islamistes Al-Islah (Réforme) et Ennhada (Renaissance), qui n'a remporté que 48 sièges lors du scrutin de jeudi.
L'ensemble de six des sept formations islamistes en lice, dont l'AVV, totalisent 59 sièges, au lieu de 66 comme initialement annoncé.
L'AVV a dénoncé dans un communiqué parvenu à l'AFP, avant l'annonce des résultats par le ministre de l'Intérieur Daho Ould Kablia, "une grande manipulation" du scrutin et une "exagération illogique" des chiffres rendus publics "en faveur des partis de l'administration".
Cette "pratique" risque d'"expose(r) le peuple à des dangers dont nous n'assumons pas la responsabilité", a ajouté l'AVV, qui a l'intention de déposer des recours auprès du Conseil Constitutionnel.
Autre fait notable, la nouvelle assemblée comptera 145 femmes contre 30 dans la précédente.
Scrutin "sans incident majeur"
La France, ex-puissance coloniale, a estimé pour sa part que les législatives s'étaient "globalement déroulées dans le calme et sans incident majeur", sans toutefois commenter les accusations de "manipulation" lancées par les islamistes.
Le scrutin, observé par 500 observateurs étrangers, n'a pas suscité de réactions négatives. Le chef de la mission des quelque 150 observateurs de l'Union européenne José Ignacio Salafranca avait noté des conditions "généralement satisfaisantes sauf de petits incidents très limités".
Les 200 envoyés de l'Union africaine, par la voix de l'ancien président mozambicain Joaquim Chissano, ont jugé, le vote "libre, transparent, régulier et équitable", selon l'agence APS.
Pour le ministre algérien de l'Intérieur, "ces élections ont été une fête exceptionnelle d'un printemps démocratique algérien authentique". "En 1991, le peuple a voté une sanction contre le FLN. En 2012, c'est un vote refuge en faveur du FLN", a-t-il aussi déclaré.
Il faisait allusion à la victoire promise au Front Islamique du Salut (FIS) aux élections de 1991 si elles n'avaient pas été interrompues par les militaires.
Le pays a ensuite basculé dans une guerre civile qui a fait près de 200.000 morts. L'Algérie a d'ailleurs toujours affirmé avec le Printemps arabe qu'elle était déjà passée par là depuis l'instauration du multipartisme en 1989.
Le scrutin de jeudi est intervenu dans la foulée des réformes du président Abdelaziz Bouteflika pour éviter un Printemps arabe dans son pays. Le régime algérien au pouvoir depuis l'indépendance en 1962 a notamment choisi de répondre par des augmentations salariales à plusieurs catégories sociales, ce qui lui a coûté plus de 3 milliards d'euros.
En tout, la nouvelle assemblée comprend 26 partis politiques et 19 députés indépendants, contre 21 partis et 33 indépendants dans la précédente, qui était moins nombreuse avec 389 élus.
Le Front des Forces Socialistes (FFS) du leader historique Hocine Aït Ahmed a remporté 21 sièges, surtout en Kabylie, talonné par le Parti des Travailleurs (PT, extrême gauche) avec 20 sièges.
Le FFS avait pourtant boycotté la vie électorale pendant plus de dix ans tandis que son rival en Kabylie, le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) a, lui, boycotté le scrutin.
C'est d'ailleurs le FFS qui s'est taillé la part du lion dans la région contestataire de l'est. Mais avec le taux le plus faible de participation, moins de 20%.
Le taux de participation a été dans le pays de 42,36% contre 35,67% en 2007.