La coalition internationale bombarde Tripoli, les civils redoutent des exactions
Reuters, dimanche 20 mars 2011
Une coalition de cinq armées occidentales a commencé samedi à bombarder des objectifs en Libye pour tenter de contraindre les forces de Mouammar Kadhafi à cesser le feu et à mettre fin aux attaques contre des civils.
Le colonel Mouammar Kadhafi, qui a réprimé dans le sang l'insurrection partie de l'est du pays il y a un mois, l'a qualifiée d'agression "coloniale", la comparant à une croisade.
La télévision d'Etat libyenne a fait état de 48 morts et 150 blessés dans ces raids aériens et ces tirs de missiles lancés de plusieurs navires et sous-marins en Méditerranée, sans qu'il soit possible de vérifier l'information.
La France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l'Italie et le Canada participent pour l'heure à l'opération baptisée "Aube de l'odyssée", la plus grosse intervention militaire dans le monde arabe depuis l'invasion de l'Irak en 2003. Le Qatar a promis de s'impliquer et plusieurs autres pays européens et arabes sont également prêts à participer à cette action.
Son objectif est, en application de la résolution 1973 adoptée jeudi par le Conseil de sécurité de l'Onu, d'instaurer une zone d'exclusion aérienne et d'imposer un cessez-le-feu.
Dans une allocution télévisée peu après les premières frappes, Mouammar Kadhafi a déclaré que la Méditerranée et l'Afrique du Nord étaient désormais un "champ de bataille", et que des cibles maritimes et aériennes, militaires ou civiles, étaient désormais exposées à un réel danger dans la région.
"Il est désormais nécessaire d'ouvrir les dépôts et d'armer toutes les masses, avec tout type d'armes, pour défendre l'indépendance, l'unité et l'honneur de la Libye", a-t-il ajouté.
Parallèlement, la télévision d'Etat a déclaré que la Libye mettait fin à tous ses efforts pour bloquer les immigrants clandestins en route vers l'Europe.
Plus de 110 missiles
L'aviation française a frappé la première dans la foulée du sommet de Paris, qui a réuni samedi à l'Elysée les dirigeants de 22 pays et organisations, dont l'Onu, l'Union européenne et la Ligue arabe.
Une vingtaine d'avions français ont participé à l'opération sur une large zone autour de Benghazi, détruisant plusieurs chars et véhicules blindés des forces loyalistes, a annoncé le ministère de la Défense.
À partir de 19h00 GMT, des navires de guerre et des sous-marins britanniques et américains ont tiré plus de 110 missiles Tomahawk contre plus de 20 sites libyens, et les défenses antiaériennes de Kadhafi ont été fortement endommagées, selon un responsable du conseil de sécurité nationale américain.
La Chine et la Russie, qui s'étaient abstenues sans opposer leur veto lors du vote de la résolution 1973, ont regretté les actions militaires.
Des explosions et des tirs de défense antiaérienne nourris ont retenti dimanche aux premières heures à Tripoli.
La télévision libyenne a montré les images d'un hôpital qu'elle n'a pas identifié où ont été admises selon elle les victimes de "l'ennemi colonial". On pouvait voir dix corps enveloppés dans des draps bleus et blancs et plusieurs blessés, dont l'un grièvement.
Soulagement et peur
Des habitants de Tripoli ont signalé une explosion près du quartier de Tadjoura, où l'opposition a manifesté à plusieurs reprises depuis un mois. A Misrata, 200 km à l'est de Tripoli, les habitants ont déclaré qu'une base aérienne à l'extérieur de la ville avait été touchée par des raids occidentaux.
A Benghazi, la deuxième ville du pays, un journaliste de Reuters a entendu une explosion et des tirs de défense antiaérienne, sans avoir pu déterminer leur provenance.
Dans le fief de l'insurrection menacé par les forces loyalistes, la population a accueilli les premières frappes internationales avec un mélange de soulagement et appréhension.
"Nous saluons la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et les pays arabes qui se rangent aux côtés de la Libye. Mais Kadhafi va déchaîner sa colère contre les civils. L'Occident doit le frapper durement", a déclaré Khalid Ghourfali, un fontionnaire de 38 ans.
Les médias officiels libyens affirment que des objectifs civils, dont un hôpital, ont été bombardés à Tripoli, Syrte, Benghazi, Zouarah et Misrata et qu'il y a des victimes civiles dans la capitale.
Dans la banlieue sud de Tripoli, des milliers de partisans du colonel ont convergé vers le camp militaire de Bab al Azizia, formant un bouclier humain dans la base de Kadhafi.
L'opération internationale a suscité les réserves de l'Allemagne - qui ne participe pas à l'opération mais réclame l'application de la résolution 1973 - et de plusieurs analystes militaires, qui craignent une guerre civile prolongée.
Première phase
En conclusion du sommet de Paris, les dirigeants occidentaux ont affirmé que Mouammar Kadhafi ne leur avait pas laissé le choix de l'intervention en ne respectant pas l'ultimatum de la communauté internationale pour un cessez-le-feu.
L'objectif de la coalition n'est pas de prendre le contrôle de la Libye mais de venir en aide à un peuple en "danger de mort" face à "la folie meurtrière d'un régime qui (...) a perdu toute légitimité", a dit Nicolas Sarkozy.
"La porte de la diplomatie se rouvrira au moment où les agressions cesseront", a ajouté le président français, mais pour son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, il y a "peu d'espoir" que le colonel cède aux exigences de l'Onu.
En visite au Brésil, le président Barack Obama a souligné le caractère limité de l'intervention américaine et répété qu'aucune troupe au sol ne serait déployée.
Washington a reconnu avoir pris le commandement de la première phase d'intervention, tout en espérant transférer rapidement ce commandement à d'autres pays.
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