Les forces du leader libyen Kadhafi tirent sur les manifestants à Tripoli
AFP, le 25 février 2011
Les forces loyales au régime libyen de Mouammar Kadhafi ont ouvert le feu en pleine rue sur des manifestants vendredi à Tripoli, où l'on déplore au moins deux morts dans le quartier populaire de Fachloum dans l'est de Tripoli, a indiqué à l'AFP un témoin joint par téléphone.
Au 11e jour de la révolte sanglante contre le pouvoir chancelant de M. Kadhafi qui a accusé ses opposants d'être téléguidés par Al-Qaïda, les initiatives se multiplient : réunion de l'ONU, propositions de sanctions, d'embargo total et de mise en place d'une zone d'exclusion aérienne.
La contestation s'étend de l'ouest de Tripoli à Benghazi, à 1.000 km à l'est de la capitale, dans des villes côtières ou proches des côtes de la Méditerranée, l'immense majorité du pays, à 93% désertique, étant épargné par les combats.
Mais alors que la région orientale pétrolifère est aux mains de l'opposition armée qui s'organise pour une éventuelle marche vers Tripoli, les forces pro-Kadhafi ont tiré sur des manifestants dans des quartiers de l'est de la capitale faisant des morts, selon des témoins joints par téléphone.
"Les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur des manifestants sans distinction. Il y a des morts dans les rues de Soug Al Jomaa", a indiqué à l'AFP un habitant.
D'autres témoins de quartiers de la banlieue est, comme Ben Achour et Fachloum, ont signalé des "tirs nourris sur tous ceux qui se trouvent dans la rue". Des scènes similaires se déroulent à Ghout Achaal, dans l'ouest de la ville.
"Ils tirent sur des civils sans armes qui sortent de la prière", a déclaré à l'AFP un habitant du qartier résidentiel de Ben Achour.
La police s'était déployée autour de plusieurs mosquées pour empêcher les manifestations, selon les témoins.
Des centaines de personnes à Tajoura, un quartier de Tripoli, manifestaient contre le régime, selon des témoins.
Les partisans du "Guide" au pouvoir depuis plus de 40 ans sont concentrés à Tripoli, où la milice Khamis disposerait de 9.000 combattants, de chars et d'avions, selon des informations non confirmées.
Signe que le pouvoir cherche à endiguer la vague de contestation, la télévision officielle libyenne a annoncé une aide de 400 dollars aux familles libyennes, ainsi que l'augmentation de 150% des salaires de certains fonctionnaires.
A Tobrouk, dans l'est, une manifestation a réuni un millier de personnes. Les manifestants brandissaient des drapeaux de la monarchie libyenne du roi Idriss Senoussi qui s'est imposé comme un symbole de l'insurrection. "Libye libre, Kadhafi dehors", "Le peuple veut la chute du régime", ont-ils lancé.
Musratha, troisième ville du pays, à quelque 150 km à l'est de Tripoli, a été désertée par les loyalistes à M. Kadhafi, mais des affrontements ont eu lieu sur une base aérienne située à proximité qui ont fait de nombreux morts, a affirmé à l'AFP un habitant.
De violents combats meurtriers avaient opposé ces derniers jours à Musratha partisans du régime "appuyés par des mercenaires africains" et manifestants, selon plusieurs témoignages.
A l'ouest de Tripoli, dans la ville de Zawiyah (60 km), des "terroristes" ont égorgé plusieurs soldats, selon l'agence officielle Jana, alors que selon le journal libyen Quryna basé à Benghazi 23 personnes ont été tuées dans l'assaut des forces de sécurité contre la ville.
C'est aux habitants de cette ville que s'est adressé jeudi M. Kadhafi qui a a accusé dans un message audio à la télévision, Al-Qaïda d'orchestrer l'insurrection en donnant selon lui des "pilules hallucinogènes" aux opposants.
Deux jours plus tôt, il avait juré de réprimer l'insurrection, avertissant de possibles "boucheries". Les violences ont déjà fait plusieurs centaines de morts, de 300 à un millier selon les sources.
A l'étranger, l'indignation s'amplifie contre son régime, de plus en plus isolé après avoir été lâché par ses pairs arabes et plusieurs proches et diplomates, dont les ambassadeurs libyens à Paris et à l'Unesco, ainsi que Kadhaf al-Dam, proche conseiller et cousin du colonel Kadhafi.
Paris et Londres ont proposé au Conseil de sécurité de l'ONU qui se réunit à 20H00 GMT à New York un projet de résolution prévoyant "un embargo total sur les armes", "des sanctions", et une "saisine de la CPI pour crime contre l'humanité", selon la chef de la diplomatie française Michèle Alliot-Marie.
Les pays de l'Union européenne et l'Otan se préparent par ailleurs à mettre en place une zone d'exclusion aérienne en Libye pour interdire aux avions militaires libyens de voler, si l'ONU donne son feu vert, selon un diplomate.
La haut commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, s'est inquiétée de "la situation brutale et choquante".
Face au chaos en Libye, les évacuations dans des conditions difficiles par terre, mer et air continuent, plusieurs pays européens, au premier rang desquels l'Italie s'inquiétant d'une crise humanitaire du fait de l'exode de dizaines de milliers d'étrangers et de Libyens.
Le Programme alimentaire mondial de l'ONU a averti que la chaîne d'approvisionnement en nourriture en Libye "était en danger de s'effondrer". Les importations alimentaires n'arrivent plus dans les ports et la distribution en est compromise en raison des violences.