Pakistan : le président veut un rapport sur la jeune chrétienne accusée de blasphème
AFP, le 20 août 2012
Le président pakistanais a demandé lundi des explications sur l'arrestation pour blasphème d'une jeune fille chrétienne, peut-être trisomique, accusée d'avoir brûlé des feuilles de papier sur lesquelles se trouvaient des versets du Coran.
La jeune Rimsha a été arrêtée jeudi dans un quartier pauvre d'Islamabad et placée en détention provisoire, sur dénonciation de musulmans en colère exigeant qu'elle soit punie, selon la police.
Le président Asif Ali Zardari a pris "sérieusement en considération" l'arrestation et a demandé au ministère de l'Intérieur de présenter un rapport sur cette affaire.
Au Pakistan, pays très majoritairement musulman, le blasphème peut être puni de mort.
Le département d'Etat américain a dénoncé lundi une "affaire évidemment très gênante" et "exhorté le gouvernement pakistanais à protéger non seulement ses minorités religieuses, mais aussi les femmes et les filles" du pays.
Un policier, Zabhiullah Abbasi, a annoncé à l'AFP que Rimsha comparaîtrait devant un tribunal pour être inculpée de blasphème. D'après lui et selon un rapport médical produit depuis son interpellation, Rimsha a 16 ans et est analphabète, mais ne présente pas de troubles mentaux.
En revanche, un responsable d'une organisation représentant les minorités au Pakistan, Tahir Naveed Chaudhry, a déclaré dimanche à l'AFP que Rimsha était atteinte de trisomie 21. La trisomie 21, ou syndrome de Down, est une maladie génétique congénitale qui entraîne notamment un déficit du développement cognitif.
D'après M. Chaudhry, Rimsha est une enfant de "11 ou 12 ans" et non une adolescente. Des voisins de la famille de Rimsha interrogés par l'AFP lui donnent entre 10 et 13 ans.
Les accusations contre la petite chrétienne ont déclenché la colère des musulmans à Mehrabad, un quartier mixte de la capitale pakistanaise où Rimsha vit avec ses parents et où résident quelque 800 chrétiens. Des chrétiens ont dû quitter le quartier sous tensions.
Lundi, la maison de la famille de Rimsha était fermée et vide, a constaté un journaliste de l'AFP.
Sur les faits, un voisin, Hammad Malik, a raconté à l'AFP par téléphone qu'il avait vu Rimsha brûler des feuilles de papier portant des versets du Coran et qu'il avait témoigné contre elle. Il avait récupéré une partie des feuilles sur un tas d'ordures avant de les apporter à la mosquée. "L'imam, en voyant les pages, a appelé la police et j'ai fait ma déposition selon ce que j'avais vu", a-t-il déclaré.
Une des principales organisations pakistanaises de défense des droits des femmes, le Women's Action Forum (WAF), a exigé la libération immédiate de la jeune fille. "Le WAF est scandalisé par l'inhumanité" de ceux qui ont dénoncé Rimsha à la police, a déclaré Tahira Abdullah, porte-parole du WAF.
Le gouvernement du président Zardari est critiqué en Occident pour son refus de modifier la loi anti-blasphème largement soutenue par l'opinion publique pakistanaise.
En 2011, le gouverneur de la province du Pendjab, Salman Taseer, et le ministre des Minorités, Shahbaz Bhatti, ont été assassinés pour avoir exprimé publiquement leur opposition à cette législation. Le mois dernier, une foule a sorti de force un homme mentalement déséquilibré d'un commissariat de police dans le Pendjab et l'a battu à mort en affirmant qu'il avait brûlé des pages du Coran.