Les soubresauts meurtriers d'Urumqi ont aussi été l'occasion pour les autorités chinoises de tester une nouvelle stratégie vis-à-vis de la presse internationale. Une réelle ouverture, sur une crise aussi sensible, contrastant fortement avec la gestion médiatique de la crise tibétaine l'an dernier ou même du verrouillage des régions tibétaines des provinces limitrophes de la région autonome en mars dernier, au moment du 50e anniversaire du soulèvement de Lhassa. Tous les journalistes montés au Xinjiang ont constaté et salué une liberté inhabituelle pour couvrir une crise aussi sensible, les premiers jours tout au moins.
Ainsi, dès lundi - soit quelques heures après les émeutes - la presse accréditée a été « invitée » à Urumqi. Sur place, un centre de presse avait été monté dans un grand hôtel, et des dizaines de chambres réservées pour les journalistes. Des conférences de presse ont été organisées avec des officiels d'Urumqi (secrétaire du Parti, maire de la ville...), des communiqués régulièrement distribués et les responsables du centre de presse étaient d'une notable amabilité et disponibilité. Cette politique du « centre de presse de crise » avait déjà été testée à plus petite échelle lors des troubles au Xinjiang lors de l'été olympique, à Kuqa par exemple.
Les autorités chinoises ont apparemment intégré le fait qu'il valait mieux être actif que passif, pour une couverture médiatique qui aurait lieu quoi qu'il arrive. Bref, une politique de communication « moderne » . Bien sûr, et c'est de bonne guerre, les autorités en ont profité pour faire passer leur message. La communication était ainsi très centrée sur les victimes, et surtout les victimes Hans du premier jour (un DVD avec des photos terribles de victimes des émeutiers ouighours était ainsi fourni aux journalistes dès lundi).
Sur le terrain, dans les premiers jours, quelques journalistes ont été bloqués ou retenus, mais pour de courtes périodes et sur des lieux spécifiques comme l'Université du Xinjiang. J'ai moi-même été un peu brutalement « intimidé » mercredi par deux policiers qui voulaient nous empêcher d'entrer dans une rue d'un quartier ouighour où une descente punitive de manifestants Hans avait eu lieu la veille. Mais il ne s'agissait à l'évidence que de l'initiative locale de deux policiers, en aucun cas de consignes générales données aux forces de l'ordre. Le reste du temps, j'ai pu profiter d'une complète liberté de mouvement et d'interview dans la ville, sauf bien sûr dans les zones bouclées quand une opération de dispersion ou des arrestations étaient en cours.
Malheureusement, il semble que cette fenêtre de liberté se soit sensiblement refermée depuis. Les journalistes sont ainsi interdits de séjourner et travailler à Kasghar, ce qui semble pour le moins étonnant et peu rassurant. Le président du Foreign Correspondent Club of China, Scott McDonald a ainsi exhorté samedi les autorités à laisser les journalistes travailler. Il a déploré que des journalistes aient été « raccompagnés » à l'aéroport à Kasghar, que 4 journalistes aient été détenus pendant plusieurs heures à Urumqi et que la police aient détruit des photos sur des appareils. Un de mes confrères a pu constater en fin de semaine dans des hôpitaux que l'accès aux blessés Hans étaient encouragé alors que l'accès aux blessés ouighours était bloqué (au passage, un certain nombre d'entre eux se voient apparemment refuser la gratuité des soins après les émeutes, pourtant offerte aux autres blessés).
Cette crispation consécutive à une première ouverture rappelle celle observée lors de la tragédie du Sichuan. Les progrès se font par à coups...