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Ilham Aliev en France, une visite inopportune

Le Monde, le 18 septembre 2012

Le président de la République, François Hollande reçoit mardi 18 septembre à l'Elysée son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev. On s'en étonne au moment où la France est fortement engagée contre Bachar-el Assad au nom d'une politique qui se veut morale en évinçant les dictateurs et au moment où Ilham Aliev a exprimé tout le cynisme et le mépris de toute valeur morale par sa grâce accordée à Ramil Safarov, l'assassin d'un officier arménien pendant son sommeil, à Budapest au cours d'une session de formation de l'OTAN.

Dans ce contexte, François Hollande aurait pu, et même dû, annuler cette visite eu égard aux valeurs de notre République d'abord, et eu égard aux Français d'origine arménienne dont il fait finalement peu cas.

Il ne suffit pas de dénoncer, après des décennies de compromission, les régimes de messieurs Saddam Hussein, Ben Ali, Kadhafi et autre Moubarak. Il faut s'interroger sur qui est monsieur Ilham Aliev ?

Il est le fils d'Heydar Aliev un haut dignitaire de l'Union Soviétique à la progression constante dans le système communiste : membre du KGB depuis 1944, il devient premier secrétaire du parti communiste d'Azerbaidjan sous Brejnev en 1969, membre du politburo du PC de l'URSS en 1976, puis vice-premier ministre de l'URSS en 1976. La démocratie ne faisant pas partie de sa culture profonde, quelques mois avant sa mort, le père adouba son fils à sa succession en 2003. Le népotisme est donc au cœur du régime actuel, la démocratie n'étant qu'une contrainte internationale qui a été réduite aux apparences. Les conditions de l'élection d'Ilham Aliev en octobre 2003 à la présidence de l'Azerbaidjan ont été critiquées par la communauté internationale, l'OSCE et différentes ONG. Elle a été immédiatement suivie par des arrestations massives d'opposants et une répression qui n'ont plus jamais cessé depuis et se sont même amplifiées. Le référendum qui donne au président la possibilité de se représenter indéfiniment a été, dans ces conditions, approuvé avec une score "à la soviétique" de 90 %. C'est dire.

Le népotisme politique y est d'ailleurs doublé, comme souvent dans ce type de régime, d'un népotisme économique et financier. Une grande part de l'économie du pays est aux mains du clan Aliev. La partie qui ne l'est pas est aux mains du clan des Pachaiev, la famille de l'épouse du président. Ilham Aliev avait été, du temps de son père, le dirigeant de la Socar, la compagnie pétrolière azerbaidjanaise qui est une source de revenus momentanément inépuisable pour l'Azerbaidjan.

Mais qui est l'Azerbaidjan ? Les entreprises françaises, conviées le 19 septembre par Medef Internationale à une rencontre "de haut niveau" avec le président Ilham Aliev, devront savoir qu'ils traiteront, s'ils traitent, avec une seule famille et ses affidés. Ce n'est pas idéal pour une saine division des risques... dans une dictature qui pourraient connaitre un jour sa révolte ou sa révolution interne.

Le président François Hollande le sait aussi. On n'ose penser que cette rencontre s'inscrive dans l'axe prioritaire donnée par notre président à sa diplomatie : développer les relations économiques et financières avec le reste du monde.

Nul doute que le président de la République abordera avec le président Aliev la question hautement internationale du conflit syrien et de son corolaire : la protection des minorités qui fait partie du combat des droits de l'Homme. Difficile de faire autrement, au moment où le monde s'inquiète, à juste titre, du sort des minorités religieuses dans les pays du Proche Orient, et singulièrement des minorités chrétiennes. Le 7 janvier 2011, lors de ses vœux aux autorités religieuses, Nicolas Sarkozy avait dénoncé "un plan particulièrement pervers d'épuration religieuse". C'était à la suite d'attentats survenus à Bagdad et à Alexandrie d'Egypte contre des églises chrétiennes. Le film hautement provocateur envers l'Islam d'un irresponsable, fut-il copte et chrétien, a relancé dramatiquement la question. Le pape Jean Paul II a répondu avec courage et intelligence à la montée des fondamentalistes de toutes les religions qui rendent précaire la situation des chrétiens du proche Orient.

Cette précarité est née de façon quasi irréversible avec l'élimination des Arméniens de l'Empire ottoman dans le génocide de 1915 et dans l'éviction des Grecs de Turquie dans les années 1920. Aujourd'hui, les Coptes d'Egypte sont en première ligne, comme les Assyro-Chaldéens et les Nestoriens au Kurdistan et en Turquie.

Les préparatifs et les appels à la guerre d'Ilham Aliev pour "récupérer" le Haut Karabagh, la grâce qu'il a accordée au meurtrier Ramil Safarov et l'apologie qu'il en a faite montrent deux choses : que la république d'Arménie et les Arméniens du Haut Karabagh font partie de cette précarité des chrétiens d'Orient d'une part, et que les Arméniens du Haut Karabagh n'ont pas d'avenir, s'ils en ont eu un jour, en Azerbaidjan.

Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, avait déclaré dans une tribune publiée par La Croix le 28 février 2012 : "...Si des interrogations persistent sur l'avenir, je veux dire aux chrétiens d'Orient qui sont dans bien d'autres pays que ceux que j'ai cités ... que la France ne les abandonnera pas".

En tant que la France co-préside, avec la Russie et les Etats-Unis, le groupe de Minsk de l'OSCE chargé de trouver une solution au conflit arméno-azéri, à un moment où cette visite est inopportune, le président Hollande se doit donc de rappeler à l'ordre le président Aliev sur les questions des droits de l'Homme. Aussi bien à l'intérieur de son pays qu'avec ses voisins. Il doit l'exhorter à la paix plutôt qu'à la guerre civile et extérieure. La France doit porter haut ses valeurs, pour aujourd'hui comme pour demain, car toujours les dictatures tombent et l'histoire des "printemps arabes" montrent que notre pays ne doit pas se commettre avec elles. Question d'identité.

   
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