L'armée américaine a "couvert" la torture de détenus par les autorités en Irak où des centaines de civils ont été tués aux barrages américains, selon des documents confidentiels du site internet WikiLeaks révélés vendredi par la chaîne de télévision Al-Jazira.
La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a aussitôt condamné toute fuite pouvant mettre en danger des Américains.
La chaîne satellitaire du Qatar cite les "principales conclusions" des documents secrets américains obtenus par le site internet WikiLeaks, couvrant la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2009 en Irak, après l'invasion américaine de mars 2003 qui a renversé le régime de Saddam Hussein.
Elle parle, en citant ces documents, du nombre "beaucoup plus élevé qu'officiellement annoncé" des victimes civiles durant le conflit et de l'implication présumée du voisin iranien dans le financement des milices chiites.
Quelques heures plus tôt, WikiLeaks avait promis "une annonce importante" pour samedi matin, sans préciser laquelle, même si la presse lui avait prêté l'intention de publier des milliers de documents secrets sur la guerre en Irak.
Avant les révélations annoncées par Al-Jazira, le Pentagone avait averti qu'une publication des documents secrets pourraient "menacer les troupes ou les Irakiens qui coopèrent avec les Américains".
Près de 50.000 soldats américains sont toujours déployés en Irak, après la fin de la mission de combat des troupes des Etats-Unis fin août. La sécurité est depuis confiée aux seuls Irakiens, dans un contexte d'impasse politique en l'absence d'un nouveau gouvernement près de six mois après les élections.
"Bien que l'un des objectifs de la guerre contre l'Irak était de fermer les centres de torture de Saddam Hussein, les documents de WikiLeaks montrent de nombreux cas de torture et d'abus de prisonniers irakiens par des policiers et soldats irakiens. En plus, ils révèlent que les Etats-Unis étaient au courant de la torture sanctionnée par l'Etat (irakien) mais avaient ordonné à leurs troupes de ne pas intervenir", affirme la chaîne.
Elle ajoute que selon ces documents, des "centaines de civils ont été tués durant la guerre à des barrages tenus par l'armée américaine (...)" et que "le bilan des civils morts est beaucoup plus important que celui annoncé".
"Les Etats-Unis ont établi un bilan des morts durant la guerre malgré leurs démentis répétés", dit-elle.
"Des rapports de l'armée américaine sur des allégations liant le Premier ministre (sortant) Nouri al-Maliki aux escadrons de la mort" qui semaient la mort et la terreur au début du conflit sont également mentionnés par le site selon Al-Jazira.
La chaîne parle aussi "de rapports secrets américains révélant de nouveaux cas impliquant (l'ancienne société de sécurité américaine privée) Blackwater dans des tirs contre des civils".
Elle fait état "de documents détaillant la guerre secrète de l'Iran en Irak, en évoquant le rôle des Gardiens de la révolution en tant que fournisseur présumé en armes des insurgés chiites".
WikiLeaks avait déjà diffusé pendant l'été des documents secrets de l'armée américaine sur la guerre en Afghanistan, suscitant la colère de Washington.
Pour le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, les fuites "pourraient avoir de conséquences très négatives en matière de sécurité pour les personnes concernées".
Le site WikiLeaks, fondé en 2006 et spécialisé dans le renseignement, a déjà diffusé de très nombreux documents confidentiels jetant une lumière crue sur les guerres en Irak et en Afghanistan, avec des révélations notamment sur les victimes civiles et sur les liens supposés entre le Pakistan et les insurgés.
WikiLeaks doit également prochainement publier près de 15.000 documents confidentiels supplémentaires sur la guerre en Afghanistan, après en avoir publié 77.000 en juillet, provoquant une tempête médiatique et la fureur du Pentagone.
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Un soldat américain inculpé pour avoir fourni des documents à Wikileaks
LEMONDE.FR avec AFP , le 6 juillet 2010
Un soldat américain soupçonné d'avoir transmis une vidéo d'une bavure de l'armée américaine à Bagdad au cours de laquelle deux employés de l'agence Reuters avaient péri, a été inculpé, a annoncé mardi l'armée américaine. Il a notamment été inculpé pour violation du règlement militaire après avoir "transféré des données confidentielles sur son ordinateur", selon un communiqué de l'armée américaine.
Bradley Manning, un analyste de 22 ans, était en détention au Koweït depuis plus d'un mois et demi, selon sa famille, mais sans avoir été inculpé. Le jeune homme est soupçonné d'avoir transmis au site WikiLeaks, spécialisé dans la publication confidentielle d'informations et de documents, une vidéo enregistrée par un hélicoptère de l'armée américaine à Bagdad.
En 2007, une dizaine de civils, dont deux journalistes travaillant pour l'agence Reuters, avaient été tués par les tirs d'un hélicoptère Apache dans les faubourgs de Bagdad. Les images filmées par cet appareil, et transmises à WikiLeaks, montrent qu'il s'agissait d'une bavure, et que le comportement des soldats – qui ouvrent le feu une deuxième fois lorsque des voitures tentent de récupérer les corps – était loin d'être exemplaire.
Suite à la publication de ces images, le Pentagone a ouvert une enquête interne, qui a abouti à l'arrestation de Brad Mannings. Le jeune homme, qui aurait été dénoncé, selon le magazine Wired, est également suspecté d'avoir transmis à WikiLeaks des milliers de télégrammes diplomatiques, qui n'ont toutefois pas été publiés à ce jour, et que WikiLeaks nie avoir reçus.
WikiLeaks affirme également être dans l'impossibilité de confirmer ou d'infirmer le fait que Bradley Manning soit à l'origine de la fuite, le site "ne collectant jamais d'informations personnelles sur ses sources". "Si Brad Manning est bien l'auteur de la fuite, c'est sans aucun doute possible un héros national", avait en revanche estimé le site peu après l'arrestation du jeune homme.
Bradley Manning, « Gorge profonde » de WikiLeaks - Libération, le 12 août 2010.