Le président bélarusse, Alexandre Loukachenko, a prévenu mercredi l'opposition qu'il allait "nettoyer" le pays et accusé l'Europe de ne pas se soucier de la "tragédie" de l'attentat à Minsk qui a fait 12 morts et plus de 190 blessés lundi.
Après avoir annoncé que trois suspects arrêtés dans le cadre de l'enquête avaient avoué leur participation à cet attentat sans précédent par son ampleur au Bélarus, M. Loukachenko s'est lancé dans des propos particulièrement brutaux visant l'opposition et l'Europe.
"J'ai ordonné d'examiner toutes les déclarations des figures politiques. Nous cherchons les complices et les commanditaires. Ces figures de la prétendue cinquième Colonne pourraient montrer leurs cartes et nous indiquer qui est le commanditaire", a dit le président bélarusse lors d'une allocution à la télévision.
"Il faut tous les faire venir et les interroger sans égard pour la démocratie et les lamentations des Occidentaux larmoyants", a-t-il ajouté.
M. Loukachenko a utilisé à plusieurs reprises par le passé l'expression "cinquième Colonne", par laquelle il désigne le "complot" présumé de l'opposition et des Occidentaux contre lui.
"Cela va jusqu'au sacrilège. Nous sommes confrontés à une tragédie, et nos partenaires européens à Strasbourg débattent de je ne sais quels droits de l'Homme. Nos démocrates de la "cinquième colonne" appellent, eux, à introduire des sanctions (contre le régime autoritaire au Bélarus, ndlr). C'est marcher sur des cadavres", a-t-il estimé.
"La démocratisation qui nous est imposée n'a rien à voir avec la démocratie de ce nom, qui existe dans le pays", a ajouté M. Loukachenko, estimant qu'un "ordre rigoureux" était nécessaire.
"Nous ne devons pas nous relâcher. Le nettoyage doit se poursuivre dans toutes les directions", a-t-il encore dit.
Le procureur général Grigori Vassilievitch a notamment mis en accusation les médias, dont beaucoup ont critiqué l'incapacité du pouvoir à protéger la population, certains, notamment des sites internet d'opposition, estimant que l'attentat servait le renforcement du régime.
"Les danses macabres de certains auteurs, le caractère insultant de leurs publications, des spéculations et des insinuations, sont inacceptables", a déclaré le procureur à la télévision nationale, promettant des poursuites.
Les Européens et les Etats-Unis, qui dénoncent depuis des années les entorses aux libertés au Bélarus, ont critiqué ces derniers mois les procès d'opposants et la répression depuis l'élection présidentielle du 19 décembre, marquée, selon l'opposition, par des fraudes.
Le KGB, s'appuyant sur les aveux de trois personnes arrêtées grâce à des enregistrements de caméras de surveillance dans le métro, a cependant indiqué que la piste privilégiée était celle d'un acte commis par un déséquilibré n'ayant pas de motivations politiques.
Le principal suspect est "un malade qui a commis l'attentat sans doute pour réaliser des ambitions personnelles", a déclaré le chef du KGB, Vadim Zaïtsev.
Selon une source policière citée par Interfax, cet homme de 25 ans aurait raconté avoir trouvé sur internet des instructions pour fabriquer un engin explosif et indiqué que ses agissements n'avaient rien de politique.
Mais après les déclarations du président bélarusse, un ancien candidat de l'opposition à la présidentielle, Ales Mikhalevitch, qui a obtenu l'asile politique en République tchèque, a prédit que "la pression s'accentuerait encore sur l'opposition".