Il est temps que le gouvernement protège ces communautés au lieu de nier leur existence.
Bichkek -Les femmes lesbiennes et bisexuelles ainsi que les hommes transgenres au Kirghizistan sont victimes de violents abus dont des viols, aussi bien dans le contexte familial que de la part d'inconnus dans la rue, selon un rapport publié aujourd'hui par Human Rights Watch. Le rapport appelle le gouvernement kirghize à reconnaître le problème et à protéger les victimes, et demande à l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et aux autres institutions européennes d'intensifier leurs efforts contre les violences motivées par l'orientation sexuelle et l'identité de genre.
Fondé sur des entretiens détaillés, le rapport de 49 pages intitulé "These Everyday Humiliations: Violence Against Lesbians, Bisexual Women, and Transgender Men in Kyrgyzstan" ("Ces humiliations de tous les jours : la violence contre les femmes lesbiennes et bisexuelles et les hommes transgenres au Kirghizistan") relate les passages à tabac, les mariages forcés, et les violences physiques et psychologiques que subissent les femmes lesbiennes et bisexuelles et les hommes transgenres. Le gouvernement refuse de les protéger ou de s'attaquer au climat de préjugés qui forme le contexte de ces agressions.
" Personne ne devrait avoir à faire face à la brutalité ou au danger à cause de qui il est ou de qui il aime", a déclaré Boris Dittrich, directeur de plaidoyer du Programme des Droits des lesbiennes, gays, bisexuel(le)s et transgenres de Human Rights Watch. "Il est temps que le gouvernement protège ces communautés au lieu de nier leur existence."
Le rapport observe que l'OSCE, qui mène des programmes au Kirghizistan, s'emploie à combattre les crimes de haines et les violences liées à l'identité dans toute l'Europe. Cependant, les Etats-Unis et le Saint Siège ont fait barrage à ce que l'orientation sexuelle soit incluse dans son mandat.
De nombreuses personnes interviewées pour le rapport ont déclaré avoir été violées en guise de punition pour ne pas s'être conformées aux normes de genre, ou pour les "guérir" de leur différence. Une lesbienne a raconté comment, quand elle avait 15 ans, les frères de sa petite amie l'ont violée brutalement en lui disant : "Voilà ta punition pour être comme tu es et traîner autour de notre sœur."
Une autre femme a raconté à Human Rights Watch qu'une connaissance l'avait enfermée dans une pièce avant de faire entrer plusieurs hommes pour la violer. Les hommes avaient promis à cette connaissance "qu'ils l'aideraient à me ‘guérir'" d'être une lesbienne, a-t-elle rapporté.
Les préjugés sociaux omniprésents dans ce pays d'Asie Centrale ne laissent que peu d'espoir aux victimes d'obtenir la protection du gouvernement, selon le rapport. Il arrive que les policiers eux-mêmes abusent des femmes lesbiennes et bisexuelles et des hommes transgenres. La police a également harcelé et opéré des rafles contre les organisations qui défendent les droits fondamentaux de ces groupes.
Dans l'ensemble du Kirghizistan, un unique refuge pour les survivants à des violences domestiques - géré par une organisation non-gouvernementale - offre des services spécifiques pour les lesbiennes ou les personnes transgenres.
Une loi ambitieuse votée en 2003 devrait protéger toutes les victimes de violences domestiques. Cependant, le rapport a établi qu'il reste beaucoup à faire pour mettre en œuvre cette loi, y compris former les fonctionnaires de la justice criminelle à enquêter sur les violences domestiques, et sensibiliser le grand public aux dispositions prévues par la loi.
Le gouvernement a fermé les yeux sur la nécessité de faire face aux questions d'orientation sexuelle ou d'identité de genre. Dans certains cas, des fonctionnaires ont eux-mêmes cautionné la haine et la violence. En 2005, lors d'une table ronde sur les droits de l'homme, un fonctionnaire du Ministère de l'Intérieur a déclaré à propos des lesbiennes et des hommes gays : "Je les battrais, moi aussi. Imaginons que je me promène dans un parc avec mon fils. Et voilà deux hommes qui marchent en se tenant par la main. Moi aussi, je les tabasserais."
Tandis que le Kirghizistan a fait des efforts pour répondre aux violences contre les femmes en général, certains groupes sont toujours ignorés ou exclus. Human Rights Watch a appelé les autorités kirghizes à améliorer les services directs pour les lesbiennes et les hommes transgenres ; à sensibiliser le public au sujet des violences domestiques et des questions de droits sexuels, et à créer des mesures pour le changement légal d'identité afin de respecter et de reconnaître le droit de chaque personne à décider de son identité de genre.
Human Rights Watch a également pressé l'OSCE de s'attaquer aux problèmes de droits humains, y compris la discrimination et la violence contre les lesbiennes et les hommes transgenres, dans ses formations destinées aux policiers et ses autres programmes au Kirghizistan.
"Les programmes contre la violence ne marcheront pas à moins qu'ils ne touchent toutes les personnes vulnérables," a déclaré Dittrich. "L'Europe ne devrait pas fermer les yeux comme le gouvernement du Kirghizistan."