Plus de 200 personnes ont été blessées mercredi au deuxième jour de violences entre manifestants et forces de l'ordre tunisiennes à Siliana, ville déshéritée au sud-ouest de Tunis, où les autorités ne semblaient pas en mesure de ramener le calme.
Selon le registre de l'hôpital, 206 personnes ont été soignées, souffrant d'impacts de chevrotine de petit calibre, de contusions, de fractures et de coupures, a indiqué un médecin urgentiste interrogé par un journaliste de l'AFP.
Dix-neuf personnes ont été éborgnées ou aveuglées par les tirs et certains ont été transférés à Tunis à la clinique ophtalmologique.
Un correspondant de la chaîne d'information France 24, David Thomson, et son collègue tunisien ont été touchés au corps par des tirs de chevrotine de la police, a-t-il indiqué à l'AFP. Leurs jours ne sont pas en danger et les deux hommes étaient traités aux urgences.
Les tensions étaient accrues par des rumeurs faisant état de manifestants tués. Les sources hospitalières et policières interrogées par l'AFP sur place ont démenti dans l'immédiat tout décès.
Le ministère tunisien de l'Intérieur s'est refusé à tout commentaire et n'a pas fourni de bilan.
Les urgences étaient pourtant visiblement débordées, et des proches des victimes s'y étaient rassemblés pour manifester leur colère. "Nous allons brûler la ville", criait un homme dont le fils a été blessé.
Plusieurs blindés de la garde nationale - l'équivalent de la gendarmerie - ont été déployés, selon le journaliste de l'AFP. Comme la veille, des axes de Siliana ont été barricadés notamment par des piles de pneus enflammés.
En début de soirée, des affrontements sporadiques avaient toujours lieu entre une foule armée de pierres et les policiers. D'épais nuages de gaz lacrymogènes étaient visibles dans la ville toute la journée.
Des milliers de manifestants s'étaient rassemblés à partir de 09H00 GMT mercredi devant les locaux du gouvernorat (préfecture) de Siliana pour une deuxième journée de grève et de manifestations.
Ils réclament le départ du gouverneur, la libération de personnes détenues depuis avril 2011 et des aides économiques pour cette ville déshéritée, comme l'essentiel des provinces de l'intérieur de la Tunisie.
"Les habitants de Siliana les plus touchés par la pauvreté ne se mettront jamais à genoux", a déclaré le secrétaire général du bureau régional de la centrale syndicale UGTT, Néjib Sebti.
Le gouvernement appelé à sortir de son mutisme
L'UGTT a dénoncé dans un communiqué "la répression des manifestations pacifiques" et appelé "le gouvernement à sortir de son mutisme, à intervenir d'urgence pour faire cesser la répression". Le syndicat a aussi appelé à poursuivre la contestation.
Le gouvernement, qui avait dénoncé dans la matinée les violences de mardi contre la police, n'a pas réagi à la recrudescence des affrontements. Il a cependant démenti une rumeur faisant état d'un lien de parenté entre le Premier ministre, Hamadi Jebali, et le gouverneur de Siliana Ahmed Ezzine Mahjoubi, déplorant dans un communiqué une "tentative d'inciter les personnes à la violence".
Quelque 200 personnes ont également manifesté à Tunis en soutien aux habitants de Siliana.
La région de Siliana est très affectée par des difficultés économiques. Selon des statistiques officielles, les investissements y ont baissé de 44,5% et les création d'emplois de 66% sur la période janvier-octobre 2012 par rapport à la même époque de l'année précédente.
Des violences éclatent régulièrement en Tunisie entre policiers et manifestants excédés par la pauvreté.
Les revendications économico-sociales étaient au coeur des causes de la révolution de 2011 et les lenteurs de la reprise économique ont nourri les tensions.