Depuis trente-cinq ans, les tensions sont vives entre le Maroc et les habitants du Sahara occidental. Depuis que l'Espagne, en 1975, s'est retirée de la région, ce territoire est revendiqué à la fois par Rabat et par le Front Polisario, qui réclame l'indépendance. Si les tensions ont déjà été vives par le passé, notamment en 2009, aucun incident de l'ampleur de celui de cette semaine n'avait encore eu lieu depuis le cessez-le-feu de 1991.
Une attaque meurtrière. C'était un camp de tentes installé à la mi-octobre où vivaient environ 20 000 personnes, près d'El-Ayoun, la capitale du Sahara occidental. Ils protestaient contre la "détérioration" de leurs conditions de vie. L'armée marocaine a décidé de démanteler ce camp. L'attaque a été lancée tôt, lundi 8 novembre au matin, par "voies terrestre et aérienne à l'aide d'hélicoptères", selon des responsables sahraouis cités par l'AFP.
Les autorités marocaines affirment que six membres des forces de l'ordre ont été tués à l'arme blanche ; le Front Polisario, estime, lui, que onze des siens ont péri, ce que Rabat dément. Il y aurait en outre des centaines de blessés évacués vers les hôpitaux de ce territoire coincé entre l'Algérie à l'est, la Mauritanie au sud et l'Atlantique à l'ouest.
Contestation collective. Qu'est-ce qui a poussé les Sahraouis à se regrouper ainsi ? Pour Khadija Mohsen-Finan, chercheur en relations internationales et enseignante à Sciences Po, il s'agit "d'un mouvement de masse qui semble coordonné et organisé. Ces actes contestataires relatifs au respect des droits de l'homme sont collectifs et non plus individuels", comme par le passé. Et les Sahraouis voient d'un mauvais œil l'autonomie que veut leur accorder le Maroc, alors qu'un référendum sur l'autodétermination doit être organisé depuis presque vingt ans.
Marche verte. Il y a exactement trente-cinq ans, le 5 novembre 1975, alors que l'Espagne de Franco — qui allait mourir quelques jours plus tard — desserrait son emprise sur le Sahara occidental, le roi du Maroc Hassan II organisait une Marche verte, certain que l'afflux de 500 000 Marocains à la frontière suffirait à son pays pour asseoir son autorité sur ce territoire. Les accords de Madrid, signés le 14 novembre de cette même année, partageront le Sahara occidental, région au sous-sol riche en phosphates et aux eaux poissonneuses, entre le Maroc et la Mauritanie.
Mais la résistance des Sahraouis s'est organisée. "Hassan II pensait que le conflit serait très court", rappelle Khadija Mohsen-Finan. Hélas, le conflit dure depuis cette Marche verte et le Maroc n'a jamais pu rattacher ce territoire au royaume.
Cessez-le-feu. En 1991, le Front Polisario et le Maroc ont signé un cessez-le-feu, qui devait conduire à ce référendum. A partir du moment où la consultation du peuple a été évoquée, les deux parties ont tenté de gonfler les listes de leurs partisans. Dans cette perspective, le Maroc a déplacé des populations depuis les zones sahariennes marocaines voisines pour s'assurer la victoire. Comme le souligne Mme Mohsen-Finan, le roi du Maroc a freiné de tout son poids à la suite de sondages réalisés par la gendarmerie royale prévoyant un résultat serré, voire défavorable, au désir du souverain.
Autonomie et négociations. Depuis, le Maroc use de toute son autorité pour tenter d'imposer non plus un référendum, mais une solution alternative : l'autonomie de la région. Ce qui ne serait qu'un pis-aller pour le Maroc, qui espérait un "rattachement pur et simple du Sahara occidental", selon les mots de Mme Mohsen-Finan. Malgré tout, les négociations entre le Front Polisario et le Maroc se poursuivent. Une nouvelle série de discussions a commencé cette semaine à New York sous l'égide de l'ONU.