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La Tchétchénie entre calme relatif et terreur
GROZNY, le 18 mars 2011 (AFP)
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"Ici ce n'est pas possible de critiquer le régime, on serait aussitôt neutralisé" par les forces l'ordre, se plaint une femme de 28 ans, en accusant le président Ramzan Kadyrov, 34 ans, mis en cause par des ONG pour les exactions et enlèvements qui n'ont jamais cessé. "Il faut faire attention, l'étau se resserre de plus en plus", renchérit une autre habitante de la capitale, où les constructions poussent comme des champignons après les ravages causés par deux conflits successifs entre séparatistes et forces russes à partir de 1994. Comme presque tous les interlocuteurs rencontrés en Tchétchénie, ces femmes n'acceptent de parler que sous couvert d'anonymat, par crainte de représailles. Aucun n'a accepté de parler devant une caméra. Soutenu par le Kremlin, M. Kadyrov balaye les critiques en répétant qu'il lutte avec succès contre la rébellion islamiste, accusée de commettre régulièrement des attentats contre des représentants des autorités. "Il reste quelques dizaines de bandits qui ne savent plus quoi faire. Nous les cherchons tous les jours, nous les anéantissons", a lancé récemment le président tchétchène en recevant un groupe de journalistes étrangers à Grozny. Rare signe de contestation, même si elle reste discrète, un groupe de jeunes rencontrés par l'AFP dans la capitale tchétchène appellent Razman Kadyrov "Voldemort" ou "celui qu'on ne nomme pas", en référence au sorcier de la saga Harry Potter. L'ONG russe Memorial a recensé l'an passé 27 enlèvements en Tchétchénie, un chiffre qui, selon elle, ne représente qu'une infime partie des disparitions, les proches préférant souvent ne pas les signaler pour éviter des ennuis. La situation est dangereuse pour les ONG comme Memorial qui dit ne plus pouvoir travailler normalement en Tchétchénie depuis le meurtre de l'une de ses militantes, Natalia Estemirova, enlevée le 15 juillet 2009 à Grozny et retrouvée morte, un acte qui a suscité de vives condamnations en Occident. Par mesure de sécurité, les membres de Groupe Mobile, une autre ONG russe dont les membres viennent de différentes régions de Russie, se relayent et ne restent jamais plus d'un mois à Grozny. Trois d'entre eux se rendus la semaine dernière à Chali, ville de 50.000 habitants à une trentaine de km de la capitale, où Askhabov Denilbek, 70 ans, cherche depuis plus d'un an à savoir pourquoi il a perdu deux fils. L'un, qui avait combattu avec Aslan Maskhadov (le président indépendantiste tchétchène tué en 2005), a été exécuté en 2009 à Chali. Le deuxième, quasi aveugle, a été enlevé quelques jours plus tard pour des raisons que les autorités refusent de révéler, selon le père. "Mes deux autres fils ne peuvent plus dormir à la maison, cela fait un an qu'ils sont en fuite. La nuit, quand on ferme la maison, ma femme se met à pleurer... et moi aussi", dit-il. Ce septuagénaire a saisi la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg et attend avec impatience une réponse de cette institution qui a déjà condamné la Russie à de multiples reprises pour des enlèvements en Tchétchénie. Le Groupe Mobile est convaincu que les autorités tchétchènes sont derrière ces enlèvements, avec la caution de Moscou: "Ce ne sont pas des inconnus anonymes qui commettent ces exactions, ce sont les forces de l'ordre. Les violations sont considérées comme la norme ici. On peut dire que Kadyrov a carte blanche en Tchétchénie", affirme l'ONG. L'Etat russe, qui octroie à la Tchétchénie plus de 90% de son budget, considère que le maintien du régime autoritaire de Kadyrov est "moins coûteux" que ne le serait une troisième guerre russo-tchétchène, selon l'ONG.
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