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Pérou : le Parlement fait marche arrière pour calmer les Indiens d'Amazonie | ||||||
AFP, le 10 juin 2009
LIMA — Le Parlement du Pérou a suspendu mercredi un décret-loi controversé sur l'exploitation forestière en Amazonie, dans l'espoir d'une sortie de crise avec les communautés indiennes du nord-est, cinq jours après des violences qui ont fait au moins 34 morts. Le Congrès unicaméral, réuni en session extraordinaire, a suspendu le Décret 1090 dit "Loi forestière et de faune sylvestre", et un autre décret lié, le temps de rouvrir le dialogue avec les groupes indigènes, en vue d'un texte plus consensuel. La motion débattue portait sur une suspension de 90 jours, mais le vote a finalement porté sur une suspension indéfinie "afin de pouvoir négocier sans pression", a précisé après coup le parti présidentiel, l'APRA. Le Parti nationaliste (opposition) avait réclamé l'abrogation pure et simple du décret "désormais tâché de sang" et un dialogue repris à zéro avec les indigènes. Il a occupé l'hémicyle en protestation après le vote. Le décret forestier est l'un de six textes promulgués en 2007-08 par le gouvernement de centre-droit d'Alan Garcia, et rejetés par la minorité indienne d'Amazonie (près d'un demi-million répartis sur 65 ethnies), aujourd'hui en crise ouverte avec l'Etat. Les indigènes jugent ces textes trop souples avec les grands projets d'exploitation minière, forestière et hydrique de l'Amazonie péruvienne (60% du pays), et manquant au devoir de concertation des peuples autochtones, prévu par un texte de 1989 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Dans une déclaration de défi, à l'heure où le Parlement s'apprêtait à son geste de conciliation, Alan Garcia s'est dit convaincu que "80% des Péruviens appuient la légalité et leur destin de développement, et ne vont pas emprunter le chemin du retour vers l'âge de pierre". Ceux-ci, sur le terrain, avaient d'avance rejeté l'idée d'une suspension "temporaire" du décret. "Nous exigeons l'abrogation immédiate des décrets", a déclaré à l'AFP Segundo Pizango, un "apu" (chef coutumier), sur un barrage routier tenu par des indiens à Yurimaguas (900 km au nord-est de Lima). Depuis le week-end, les indiens exigent aussi des comptes sur les violences de vendredi et samedi à Bagua (1.000 km au nord de Lima). Au moins 34 personnes - 25 policiers et 9 indigènes - ont été tuées, selon un bilan officiel très contesté, en 24 heures de heurts: lors de la levée d'un blocus routier, puis lors d'émeutes, enfin lors d'une intervention militaire pour libérer des policiers pris en otages. Les violences ont fait 169 blessés, et au moins 79 indiens restaient détenus selon l'organisme médiateur péruvien des droits de l'Homme. Amnesty International a exprimé mercredi son inquiétude pour la sécurité des détenus, leur accès aux soins et à une assistance juridique. Le Parlement débattait sous pression: le principal collectif indigène amazonien AIDESEP a annoncé une journée de mobilisation nationale jeudi, pour amplifier les blocus ponctuels de routes, puits pétroliers, ports fluviaux, tenus pour certains depuis près de 40 jours à travers le pays. Dans certaines régions, comme Tarapoto et Yurimaguas, reliées par un axe routier vital en dense forêt amazonienne, les pénuries alimentaires et de carburants commençaient à handicaper la population, avec des hausses de prix de plus de 50 %, a constaté l'AFP. L'ex-leader de l'AIDESEP Alberto Pizango, recherché par la justice depuis ce week-end, a obtenu mardi l'asile politique au Nicaragua, à l'ambassade duquel il s'était réfugié lundi à Lima. Mais ses suppléants Walter Kateguiri et Daisy Zapata ont annoncé une poursuite de la lutte.
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