Les islamistes qui occupent Tombouctou, dans le nord-ouest du Mali, y ont poursuivi mardi la destruction de mausolées de saints musulmans situés dans l'enceinte de la plus grande mosquée de la ville classée patrimoine mondial en péril, promettant de détruire tous ceux de la région.
Armés de haches, de pioches et burins, les hommes du groupe armé Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) maître de la ville depuis plus de trois mois, se sont acharnés contre deux mausolées en terre de la mosquée de Djingareyber qu'ils ont "totalement" détruits, selon des témoins interrogés par l'AFP depuis Bamako.
Djingareyber est l'une des trois principales mosquées de Tombouctou avec celles de Sidi Yahia et Sankoré, toutes trois classées par l'UNESCO au patrimoine de l'humanité, aujourd'hui en péril.
Les 1er et 2 juillet, Ansar Dine avait déjà détruit sept des seize mausolées de Tombouctou et brisé la porte sacrée de la mosquée Sidi Yahia, provoquant l'indignation au Mali et à l'étranger. Les destructions avaient été interrompues, mais Ansar Dine avait promis qu'elles reprendraient.
"Actuellement, les islamistes sont en train de détruire deux mausolées de la grande mosquée de Djingareyber de Tombouctou. Ils tirent en l'air pour chasser la foule, pour lui faire peur", a déclaré un des témoins.
"Les deux mausolées jouxtent la partie ouest du mur externe de la grande mosquée et les islamistes ont des houes, des burins, ils tapent fort sur les mausolées qui sont en terre calcaire. Ils disent qu'ils vont tout détruire", a affirmé un proche de l'imam de la mosquée.
Selon un autre témoin, les islamistes, aux cris d'"Allah Akbar" (Dieu est grand), "s'acharnent sur les mausolées de la mosquée qui font partie des plus importants de Tombouctou". Il a ajouté qu'ils sont "nombreux et ont coupé les deux principales routes menant à la mosquée".
Ce témoin a affirmé que les islamistes ont demandé à une équipe de la chaîne de télévision du Qatar Al Jazira présente à Tombouctou "de filmer la scène".
"Il n'y a pas de patrimoine mondial"
En fin de matinée, un des témoins a déclaré : "C'est terminé, les deux mausolées ont été détruits. Les islamistes ont tout cassé, il n'y a plus rien. C'est triste ! Ils ont commis un crime".
Un autre habitant a dit avoir vu "des gens pleurer", ajoutant : "Dieu ne va jamais leur pardonner ça".
Ville mythique aux "333 saints", ancienne métropole culturelle et intellectuelle du Sahara, Tombouctou abrite également des dizaines de milliers de manuscrits inestimables, dont certains remontent au XIIe siècle, d'autres de l'ère pré-islamique.
Un proche du porte-parole d'Ansar Dine à Tombouctou a déclaré mardi à l'AFP que "désormais, dès que les étrangers vont parler de Tombouctou", les islamistes s'attaqueront à tout ce qu'on appelle "patrimoine mondial".
"Il n'y a pas de patrimoine mondial. ça n'existe pas. C'est pour nous les musulmans. Les cafres (infidèles) ne doivent pas se mêler de nos affaires", a pour sa part affirmé un djihadiste tunisien se présentant comme Ahmed, membre du "comité média" des islamistes dans le nord du Mali.
"Nous allons tout détruire, même si les mausolées sont à l'intérieur des mosquées, et après nous allons détruire les mausolées qui sont dans la région de Tombouctou", a-t-il affirmé. D'autres mausolées sont notamment situés à Araouane et Gassra-Cheick, deux localités de la région de Tombouctou.
Les trois villes et régions administratives du nord du Mali, Tombouctou, Gao et Kidal, qui représentent plus de la moitié du territoire malien, sont occupées depuis fin mars/début avril par Ansar Dine et un autre groupe armé islamiste, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), alliés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Ces groupes, qui ont évincé la rébellion touareg de la région, entendent imposer la charia (loi islamique) dans tout le Mali.
Ils ont déjà commencé à le faire dans le Nord où les femmes doivent porter le voile et où les buveurs d'alcool, les fumeurs et les couples illégitimes sont fouettés régulièrement en public.
Le gouvernement de transition mis en place à Bamako après le retrait de militaires putschistes qui avaient renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré - précipitant la chute du Nord aux mains des islamistes - est totalement impuissant face à ces exactions.