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- Roms en Bosnie : discriminations au maximum - 15 déc. 2005


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BOSNIE-HERZÉGOVINE
Les exclus de la République

Acat – mis en ligne le 19 mars 2011

Plus de 400 personnes ont été déchues de leur nationalité bosniaque. Beaucoup craignent des persécutions en cas de renvoi vers leur pays d'origine. Dans l'attente d'une éventuelle expulsion, certaines sont placées en rétention illimitée.

Pendant la guerre en ex-Yougoslavie, de nombreux ressortissants de pays arabomusulmans sont venus prêter main forte aux musulmans de Bosnie. Ils ont été intégrés dans l'armée ou ont rejoint des associations humanitaires, ont obtenu la nationalité bosniaque et, pour beaucoup, se sont mariés, ont eu des enfants, et ont construit leur vie dans ce pays.

Considérés comme islamistes, ils sont aujourd'hui devenus des indésirables, alors que la Bosnie se rapproche de l'Union européenne - depuis décembre 2010 les citoyens bosniaques n'ont plus besoin de visa pour entrer dans l'espace Schengen.

En 2005, les autorités du pays ont promulgué une loi qui prévoit d'examiner les modalités d'obtention de la nationalité bosniaque pour tous ceux qui l'auraient acquise entre avril 1992 et 2006. Une commission a été mise en place à cet effet, sous l'égide du ministère de la Sûreté.

À ce jour, la commission a ôté la nationalité à plus de 400 ressortissants bosniaques, installés dans le pays depuis des années, au motif qu'ils pourraient représenter une menace pour la sécurité. Les critères de décision de la Commission restent extrêmement flous.

RISQUES DE RENVOIS DANGEREUX

Les deux tiers des « déchus » de la nationalité sont d'origine algérienne, égyptienne, jordanienne, soudanaise, syrienne, tunisienne ou turque. Beaucoup craignent des persécutions en cas de retour dans leur pays d'origine. Ainsi, tous les Tunisiens ayant fait un séjour en Bosnie ont été immédiatement torturés et incarcérés à leur retour en Tunisie.

Leurs démarches pour demander l'asile ou un droit de séjour en Bosnie se sont toutes heurtées à un refus. Des dizaines d'entre eux ont alors fui la Bosnie pour tenter de trouver refuge ailleurs en Europe.

ENFERMÉS DANS L'ATTENTE D'UNE EXPULSION

Ceux restés en Bosnie se terrent. Plusieurs ont été arrêtés et placés en rétention dans l'attente d'une expulsion. Trois d'entre eux ont déjà été renvoyés vers l'Algérie et Bahreïn. Six autres sont encore enfermés dans le centre pour étrangers de Lukavica. Il s'agit d'Imad El Houssine, de nationalité syrienne, d'Omar Frendi et de Noureddine Gaci, d'Algérie, d'Ammar El Hanchi, de Tunisie, et de Zyed Gertani et Fadhil Hamdani, d'Irak. Ils sont soumis, de facto, à une privation de liberté illimitée.

L'ACAT- France vous invite à saisir le Haut Représentant international en Bosnie- Herzégovine. Il s'agit du plus haut pouvoir politique en Bosnie-Herzégovine, créé par les accords de Dayton de 1995, qui ont mis fin au conflit. Il est nommé par l'ONU et peut annuler toute décision de l'exécutif ou du Parlement ou, au contraire, prendre une décision en opposition aux représentants élus.

EL HOUSSINE A ENTAMÉ SA TROISIÈME ANNÉE EN RÉTENTION

Imad El Houssine est enfermé depuis plus de deux ans dans le centre de rétention pour étrangers de Lukavica.

Arrivé de Syrie en ex-Yougoslavie en 1983 pour étudier la médecine, il s'est enrôlé dans l'armée de Bosnie-Herzégovine en 1992, s'est marié à une Bosniaque en 1993 et a obtenu la nationalité bosniaque en 1994.

Déchu de sa nationalité bosniaque, il a été placé en rétention en octobre 2008, en attendant son éventuel renvoi vers la Syrie, malgré deux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour constitutionnelle bosniaque demandant de surseoir à toute mesure visant à son expulsion.

En 2009, il témoignait : « Chaque mois, ma détention est prolongée au prétexte que je représente une menace pour la sécurité. Cela fait maintenant huit mois que j'ai été enlevé à ma famille et à mon épouse […] Dois-je attendre jusqu'à l'année prochaine, sans jugement, sans décision de justice ni d'action à mon encontre ? » 

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Migrants clandestins en Bosnie : le « petit Guantanamo » de Lukavica

Le Courrier des Balkans, le 27 janvier 2011

Le « Centre pour les migrants illégaux » de Lukavica, près de Sarajevo, est le théâtre de graves violations des droits de la personne. 20 personnes, des Albanais, des Égyptiens, des Syriens, des Palestiniens, des Algériens et un Turc, soupçonnées de « terrorisme international »sont retenues dans des conditions inhumaines et humiliantes.

En principe, ce que confirment de nombreux témoignages, les ressortissants étrangers, interpelés en Bosnie-Herzégovine et placés dans des centres de rétention, sont relâchés au bout de quelques jours si ils ne peuvent être renvoyés dans leurs pays d’origine.

Cela n’est pourtant pas le cas de vingt personnes originaires d’Albanie, Egypte, Syrie, Palestine, Algérie et Turquie, qui sont accusés d’« activités terroristes », et qui vivent depuis six mois dans des conditions insupportables. Ils sont régulièrement insultés et passés à tabac par leur geôliers, sans que ne leur ait été exposé le motif de leur accusation, ni la durée de leur détention, et sans qu’il n’aient bénéficié d’aucune aide juridique.

Après plusieurs mois de tortures et passages à tabac, sans accusation clairement notifiée, sans traitement médical, sans aide juridique, sans interprète pour leur expliquer les documents qu’ils doivent signer, sans résultat de leur demande d’asile, sans aucun contact avec l’extérieur, un groupe de huit détenus (quatre Palestiniens, deux Algériens et deux Tunisiens) ont commencé le 28 décembre 2010 une grève de la faim. Un acte désespéré, auquel, depuis 28 jours, aucune structure de l’État de Bosnie-Herzégovine n’a réagi.

« Personne ne nous explique pourquoi nous sommes là »

E-Novine a pris connaissance, par le biais de l’ONG française Migreurop et par les familles de plusieurs détenus, de ces témoignages bouleversants de personnes qui subissent la terreur et la violation permanente de leurs droits fondamentaux.

« J’ai vécu trois ans en Grèce. Nous avons quitté ce pays parce que les conditions de vie et de travail étaient trop dures. Nous avons traversé à pied la frontière entre la Grèce et l’Albanie. De là nous sommes allés au Kosovo. Au Kosovo j’ai été arrêté. J’ai été enfermé dans un camp de rétention. La j’ai demandé l’asile et au bout d’une semaine on m’a libéré, du coup j’ai continué ma route vers le Montenegro. Du Monténégro j’ai essayé de passer en Bosnie. Lorsque nous étions en train de franchir cette frontière la police bosnienne nous a arrêtés. Ils étaient beaucoup, ils ont été très agressifs. Certains policiers nous ont volé de l’argent, nos effets personnels » raconte Y.S., prisonnier à Lukavica.

« Depuis six mois que nous sommes ici, nous n’avons jamais été devant un tribunal. Personne ne nous explique notre situation, pourquoi nous sommes là et combien de temps on doit rester. Ils nous envoient des documents à signer du tribunal. Signer ou pas signer c’est la même chose, en tout cas on ne sait pas ce qu’il y a écrit dessus. Nous avons vu une interprète une seule fois, lors de notre arrivée. » Poursuit le témoin anonyme, mentionnant des détails effrayants : « Nous subissons toujours des violences, des violences verbales et des provocations, notamment envers notre religion, et des violences physiques. Ils nous tabassent. Ils nous frappent avec des coups de poings, de pied, avec les matraques. C’est complètement inutile d’aller chez le médecin, il ne dit rien, il fait partie la direction du camp. »

« Personne ne s’occupe de nous. Nous sommes très faibles et fatigués. Personne ne nous écoute. Si on pose une question et on nous répond en nous giflant, et ceux d’entre nous qui étaient gravement blessés n’ont reçu une aide médicale qu’au bout d’un mois. Nous avons décidé de continuer notre grève de la faim à tout prix, parce qu’on ne peut rien faire d’autre », conclut Y.S. à la fin de son témoignage.

L’appel d’E-Novine

L’UE a financé le Centre pour les migrants illégaux en Bosnie-Herzégovine, qui a ouvert fin 2009 dans le cadre du Pacte de Stabilité pour l’Europe du Sud-Est, dans le but de mettre en place un contrôle des frontières. Toutefois Bruxelles ne se soucie pas vraiment des conditions dans lesquelles sont détenus des êtres humains.

E-Novine demande aux autorités bosniennes, signataires de la Convention internationale sur les droits de tous les travailleurs migrants, d’arrêter au plus vite et sans tarder l’agonie des détenus du camp de Lukavica, en respectant leur droit à l’aide juridique, leur droit à l’asile, et leur intégrité physique. E-Novine appelle également les autorités de l’UE à assumer leur responsabilité pour les violations graves des droits humains qui se déroulent précisément en raison de l’aide financière européenne, et les appelle à prendre des mesures efficaces pour arrêter cette terreur. E-Novine invite toutes les personnes de bonne volonté à informer les institutions compétentes de cette terreur internationale et à faire pression sur ceux qui font de Lukavica un nouveau Guantanamo.