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Mauritanie : les victimes de viol demandent justice, et finissent en prison

IRIN, le 12 mai 2009

Les femmes de Mauritanie qui portent plainte pour agression sexuelle s'exposent au risque d'être incarcérées en raison de lois mal définies et d'un phénomène de stigmatisation, qui font porter aux victimes plutôt qu'à leurs agresseurs la responsabilité du crime, selon un organisme à but non-lucratif local, financé par les Nations Unies.

Le viol reste un sujet tabou en Mauritanie, à tel point qu'il n'est pas abordé dans la loi et que le mot ne figure dans aucun document gouvernemental, selon l'Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l'enfant, une organisation non-gouvernementale (ONG) sise à Nouakchott, la capitale. « Le problème, pour décriminaliser la victime, c'est [que] la loi ne définit pas le viol. Comment punir les agresseurs si le crime lui-même n'a pas été clarifié ? », s'interroge Bilal Ould Dick, conseiller juridique de l'association.

Pour faire référence aux violences sexuelles dans leurs documents officiels, le ministère de la Santé emploie le terme de « blessures », et le ministère des Affaires sociales, de l'Enfance et de la Famille, celui de « violences domestiques », selon Zeinebou Mint Taleb, présidente de l'association.

Honneur

Aminetou (un nom d'emprunt), 22 ans, a expliqué à IRIN que la police l'avait accusée de n'avoir aucun honneur lorsqu'elle leur avait rapporté qu'elle avait été violée, une nuit, chez elle, par un inconnu. « Les policiers m'ont dit que si je [n'avais pas été disposée] à donner [ma virginité], il n'aurait pas pu la prendre ». A 22 ans, elle a perdu son honneur, a cessé de suivre son programme de formation à l'informatique, et ne peut plus se marier parce qu'elle a tenté de porter plainte, a-t-elle confié.

« Personne ne veut plus de moi. Dans ma communauté, ils pensent tout simplement que j'aimais le sexe et que pour avoir “péché” ainsi, je mérite de tout perdre », a-t-elle déclaré.

Délit sexuel

Selon Maître Dick, seuls deux articles de loi interdisent un acte sexuel : les rapports sexuels hors mariage. C'est pourquoi, a-t-il expliqué, bon nombre de victimes présumées de viol sont accusées d'avoir enfreint la loi. « La [femme] sera inculpée et sanctionnée au lieu d'être protégée par la loi ».

La situation est encore plus grave pour les femmes enceintes, a-t-il poursuivi, la grossesse étant considérée comme la « preuve » de leur culpabilité. Sept femmes ont été incarcérées en 2009 pour avoir enfreint la loi contre les rapports sexuels hors mariage, après avoir tenté de dénoncer leurs agresseurs présumés, selon l'Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l'enfant.

D'après Mme Taleb, présidente de l'ONG, lorsque des hommes sont interrogés ou détenus, ils sont rapidement relâchés « faute de preuves ».

Matty Mint Doide du ministère des Affaires sociales, de l'Enfance et de la Famille, a expliqué à IRIN que le gouvernement révisait actuellement le code pénal pour définir et interdire le viol, et « appliquer les conventions internationales afférentes [contre la violence sexuelle] ». Parmi les conventions contre les violences sexuelles et sexistes : la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Mohamed Lemine Ould Dadde, commissaire aux droits de l'Homme, a déclaré à IRIN que le gouvernement s'était engagé à défendre les droits de la femme. Il a nié qu'en tentant d'alerter les autorités, les femmes de Mauritanie étaient injustement rendues coupables des violences sexuelles qu'elles avaient subies, et a expliqué que, comme tous les pays, la Mauritanie s'efforçait d'encourager les victimes à se manifester.

Depuis 2003, 430 cas de violence sexuelle ont été déclarés en Mauritanie, contre 28 000 cas de violences domestiques, selon le gouvernement. Les victimes ont porté plainte dans seulement 20 pour cent des cas, selon le ministère des Affaires sociales.

Eyer Chaim, de l'Association mauritanienne pour la santé de la mère et de l'enfant, travaille au commissariat de police de Nouakchott, au sein de la cellule de lutte contre les crimes contre les enfants ; selon lui, le nombre de victimes réel est bien plus important que ne le montrent les registres publics. « J'ai connu tellement de victimes qui ont refusé d'alerter la police ou d'aller se faire soigner. Elles préfèrent souffrir en silence pour cacher leur honte au sein d'une communauté où les commérages vont bon train ».

Nourra Mint Semane, journaliste de la région, a expliqué à IRIN qu'il était difficile de parler de viol, à tous les plans, en Mauritanie. « Mes programmes radio sont censurés quand je parle d'histoires de viol. Pour la société mauritanienne, le viol est une honte qui doit être enterrée et celle que l'on considère comme la première “criminelle”, c'est la victime elle-même ».