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Les brutalités policières, réalité quotidienne des Vietnamiens

AFP, le 21 juillet 2011
 

Tung tentait de mettre fin à une bagarre à Hanoï entre un moto-taxi et des policiers quand il a été tabassé. Il est mort huit jours plus tard, victime de ce que les observateurs décrivent comme la brutalité routinière de la police vietnamienne.

"La violence sur les gardés à vue fait l'objet d'une totale impunité", dénonce à cet égard Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de l'organisation Human Rights Watch (HRW).

En septembre, l'organisation a examiné dans un rapport 19 incidents de violences policières rapportés par la très contrôlée presse vietnamienne, dont 15 ayant conduit à un décès. Le document a été qualifié de "dérangeant" par le Foreign Office à Londres.

Mais depuis, rien n'a changé. "C'est hors de contrôle", estime Robertson, en dénonçant une relation symbiotique entre la police et les autorités locales, et une corruption qui alimente tous les échelons de la hiérarchie policière.

Le ministère de la Sécurité publique est selon lui "une sorte d'organisation mafieuse", qui s'avère "plus intéressée par sa propre protection que par celle du peuple vietnamien".

Trinh Xuan Tung, 53 ans, se rendait à un arrêt d'autobus en moto-taxi lorsqu'il a enlevé son casque pour téléphoner.

Pour cette contravention au code de la route, la police a confisqué la moto et réclamé au conducteur une amende de 150.000 dongs (environ 5 euros), soit trois jours de salaire, a raconté Trinh Kim Tien, la fille de Tung, à l'AFP.

Le moto-taxi a refusé et une bagarre s'est déclenchée, que Tung a tenté d'arrêter. "Alors le policier a attaqué mon père", a-t-elle affirmé en citant ses propres mots avant de mourir.

Le vendeur d'oiseaux sans histoire a été frappé dans le dos et dans le cou. Sa fille l'a retrouvé au commissariat menottes aux pieds et aux mains.

"Il m'a demandé de l'emmener à l'hôpital parce qu'il ne pouvait plus bouger ses bras et ses jambes (...). Ils ont dit que mon père simulait". Il est mort à l'hôpital une semaine plus tard.

La police dispose depuis longtemps de pouvoirs énormes au sein du régime communiste, livrant parfois de farouches batailles d'appareil avec l'armée. Mais le nombre de cas révélés a explosé ces derniers mois.

Dans son rapport annuel sur les droits de l'Homme, le département d'Etat américain a fait état de neuf décès en garde à vue en 2010, contre aucune en 2009 et une en 2008. "Dans presque tous les cas, la police a affirmé que la victime s'était suicidée", souligne le texte.

Parmi les neuf, un homme mort après une arrestation pour infraction au code de la route dans la province de Bac Giang (nord). Des milliers de personnes ont manifesté, avant d'être dispersées par des gaz lacrymogènes.

Un officier a écopé de sept ans de prison. Mais ce type de sanctions est rarissime, constate un diplomate étranger, pour qui la police de la circulation "agit en toute impunité".

La Sécurité publique, dont le ministre est systématiquement membre du Bureau politique du Parti communiste (PCV, au pouvoir), n'a pas répondu aux demandes d'entretiens de l'AFP. Mais le gouvernement a indiqué que la loi interdisait "rigoureusement tout usage illégal de la force dans l'exercice de l'autorité publique".

Certains voient un début d'amélioration dans le fait que des affaires sortent au grand jour. "Je crois que c'était pire auparavant (...) mais les gens ne le savaient pas", a affirmé à l'AFP un dissident sous couvert de l'anonymat.

Mais les familles, elles, continuent de se battre contre une montagne.

Après la mort de Tung, sa fille a disposé des banderoles sur sa maison pour "montrer aux gens que (son) père est innocent". Même coupable, dit-elle, "il aurait dû écoper d'une amende, pas être battu à mort".