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Venezuela : en prison, les affaires fleurissent pour certains caïds
AFP, le 24 mai 2012
Un caïd assisté de lieutenants qui régissent la vie carcérale : la récente et énième mutinerie dans une prison du Venezuela, qui a pris fin la semaine dernière, a mis en lumière un système pénitentiaire surpeuplé abandonné aux détenus, et parfois éminemment lucratif.
"Dans toutes les prisons du pays, exceptées celles pour femmes, il y a un caïd, qui est le chef du centre (pénitentiaire) ou d'une zone déterminée, avec une équipe de lieutenants, qui sont comme ses ministres", explique à l'AFP Carlos Nieto Palma, responsable de l'ONG "Une fenêtre sur la liberté".
Cette figure, dont l'apparition remonte aux dernières années, est incarnée par des criminels connus pour leur dangerosité et qui une fois en prison, "en relation directe" avec l'administration et grâce au pouvoir des armes entrées illégalement, créent de "mini-Etats" très lucratifs, poursuit M. Nieto.
"Ils manipulent des sommes d'argent impressionnantes: ils facturent des charges, qui sont une sorte de loyer pour les cellules, ainsi que d'autres services aux détenus, et depuis la prison, ils organisent des vols, des extorsions et des enlèvements", ajoute Carlos Nieto, dont l'organisation milite pour le respect des droits de l'homme en prison.
"On facture des charges pour tout: le loyer de la cellule, la douche, pour regarder la télévision, utiliser internet...", confirme à l'AFP un ancien détenu, qui a purgé 10 ans de prison pour homicide il y a une dizaine d'années.
Il n'y a pas de prix fixes, tout dépend : "Je connais le cas d'un jeune de 23 ans qui est arrivé en prison et sa mère a dû payer au caïd l'équivalent de 4.500 dollars", se souvient-il.
"Tous les jours entrent des armes, de la drogue..."
Ces affaires bénéficient du soutien actif des fonctionnaires, qui "facilitent (l'entrée) d'armes, et sont tellement lucratives que les caïds comme leurs lieutenants "refusent souvent de sortir", assure M. Nieto.
Une autre ONG, l'Observatoire vénézuélien des prisons, établit le même diagnostic dans son dernier rapport annuel : "Le contrôle est exercé par les détenus (...) Ce sont les prisonniers, dirigés par des leaders, qui, dans la pratique, décident et imposent le fonctionnement de la prison", écrit-elle.
Dans l'établissement de La Planta, à Caracas, où s'est déroulé la dernière mutinerie qui a duré trois semaines et au cours de laquelle des détenus ont tiré des coups de feu, on comptait cinq caïds contrôlant les affrontements contre les autorités et d'autres prisonniers.
La ministre des Services pénitentiaires, Iris Varela, a expliqué en fin de semaine que le refus des prisonniers d'être déplacés (décision à l'origine de la mutinerie) était dû au fait que ça leur "ferait perdre leurs affaires", admettant également la complicité de certains gardiens.
"Tous les jours entrent des armes, de la drogue... En prison, la question n'est pas à qui acheter tout ça, mais est-ce que tu as l'argent pour le faire", raconte l'ancien détenu, en allusion à la corruption des gardiens.
Humberto Prado, de l'Observatoire, s'est aussi interrogé sur le transfèrement des 1.600 prisonniers de La Planta - qui a une capacité de 350 places - vers d'autres établissements également surpeuplés et aux mains d'autres caïds.
"Les autorités doivent reprendre le contrôle, mais cela passe par un personnel aux mains propres et la résolution du problème du surpeuplement, parce qu'aujourd'hui, il y a un gardien pour 50 prisonniers quand les standards internationaux sont de un pour 10", ajoute-t-il.
Le Venezuela compte quasiment 50.000 détenus pour 14.000 places. Selon l'Observatoire, 30% des prisonniers ont été jugés, les autres sont dans l'attente de leur procès. Environ 300 d'entre eux périraient chaque année en cellule.
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