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Les Ukrainiens, cyniques et désabusés, votent sans conviction AFP, le 7 février 2010 Les Ukrainiens ont voté sans conviction dimanche, après des années de crises politiques et une violente récession, certains se disant prêts à aller manifester en cas de fraudes, mais seulement si on les paie. En cette matinée enneigée et ensoleillée à Kiev, Lidia Karpenko, ingénieur de 59 ans, vote "pour le moindre mal", tout en se disant "anéantie" par le bilan du président sortant Viktor Iouchtchenko, héros déchu de la Révolution orange. En 2004, Lidia avait manifesté sur la place de l'Indépendance (Maïdan), haut lieu de la Révolution orange, pour dénoncer les fraudes du camp adverse et réclamer plus de démocratie. En 2010, elle a voté pour Ioulia Timochenko, l'un des symboles de cette époque. Mais en dépit des appels de cette dernière à descendre dans la rue en cas de fraudes, plus question pour Lidia de "retourner sur Maïdan". "Le perdant devra avoir le courage de reconnaître sa défaite", dit-elle. Oleg Trokhymenko, un militaire de 36 ans, a aussi voté pour Timochenko. "Si un ancien détenu est élu, ce sera une honte pour l'Ukraine", dit-il en référence aux trois années de prison purgées par Viktor Ianoukovitch dans sa jeunesse pour coups et blessures. Il ne prend pas au sérieux les menaces d'une nouvelle révolution. "Il y aura des manifestations, mais pas massives, c'est de la com". A Lviv, bastion nationaliste et anti-russe dans l'ouest du pays, Andri Tarnavski a voté pour Timochenko, mais ne voue pas pour autant son adversaire aux gémonies. "Je ne pense pas que Ianoukovitch entourera l'Ukraine occidentale de barbelés. S'il y a des meetings à Kiev, j'irai et je soutiendrai n'importe quel candidat, mais contre une rémunération : 200 hryvnias (16 euros) par jour au minimum". Même son de cloche à l'autre extrémité du pays, Donetsk (est), fief électoral du candidat pro-russe Viktor Ianoukovitch. "Bien sûr que cette chipie réunira la moitié de Kiev (...) On paiera bien les gens et ils iront - moi-même, j'irai hurler à cette manif pour 150 hryvnias", lance Oleg, un étudiant de 21 ans. A Sébastopol, port d'attache de la flotte russe de la mer Noire en Crimée, l'électorat est traditionnellement pro-Ianoukovitch mais Irina Martynova, employée du secteur public, a décidé de voter "contre tous", une option prévue par la loi ukrainienne. "Je n'ai confiance ni en lui, ni en elle. Ils trompent les gens", lance-t-elle. L'historien Ivan Tchernenko a fait le même choix. "Avant je sympathisais avec le Parti des régions de Viktor Ianoukovitch (...) Aujourd'hui, il me semble sans perspectives. Timochenko est belle, mais elle est entourée d'idiots", affirme-t-il. Si l'Ukraine a fait un choix stratégique en 2004 entre l'Europe et la Russie - Viktor Iouchtchenko était pro-occidental et Viktor Ianoukovitch ouvertement soutenu par le Kremlin - la politique extérieure ne s'est pas vraiment invitée cette fois dans la campagne. Mais pour Andri Khrouchtch, retraité à Lviv, qui a soutenu le président sortant au premier tour, les deux candidats incarnent "le mal". "Ils cèderont l'Ukraine aux Moskals" (nom péjoratif des Russes)", lance-t-il alors que Mme Timochenko a affiché ces derniers mois sa bonne entente avec le Premier ministre russe Vladimir Poutine. Valentyna Sokolovskaïa, peintre de 54 ans qui vend ses tableaux dans un passage souterrain sous Maïdan, n'ira pas voter... parce qu'elle aime les deux candidats. "Ianoukovitch est un bon gestionnaire. Il fait des fautes d'orthographe? Pouchkine en faisait aussi mais c'était un poète génial. Timochenko est une femme ferme, il faut de ça pour qu'il y ait de l'ordre", explique-t-elle.
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