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Quartier Rom de Sulukule : chronique d'une destruction fnasat.asso.fr - Janv. 2009 Le quartier de Sulukule s'étire le long des murailles de Théodose qui ceinturent la ville historique d'Istanbul. Ce quartier abrite la plus ancienne communauté Rom au monde, installée là depuis près de mille ans. Cependant, le quartier est en train d'être démoli et ses habitants contraints de le quitter depuis le lancement d'un vaste projet de rénovation urbaine par la municipalité de Fatih, district d'Istanbul. Ce projet fait partie du programme urbain mené par le maire architecte d'Istanbul, Kadir Topbas, qui prépare sa ville à être Capitale européenne de la culture en 2010.
Istanbul change, ses quartiers pittoresques se transforment et s'uniformisent. Nul ne peut nier en effet que le quartier a besoin de rénovation, mais ses habitants ne profiteront pas des futures habitations car ils ne pourront pas les acheter ni les louer. Dès lors, la plupart des 3500 Roms de Sulukule sont contraints de s'exiler. Leur relogement est prévu dans le quartier de Tasoluk, banlieue lointaine et anonyme d'Istanbul, située à une quarantaine de kilomètres du centre historique. Dès l'annonce du projet, qui a été lancé sans les consulter, les Roms de Sulukule se sont mobilisés pour stopper la démolition, clamer leur appartenance historique au quartier et leur refus de le quitter. La présence à Constantinople d'un groupe de Roms, arrivés d'Inde, est notifiée pour la première fois par le clergé byzantin en 1054. On les baptise alors "Aiguptos", qui signifie "Egyptiens" en grec ; car les premiers Roms s'adonnaient à la divination et à la magie, pratiques associées en ce temps à la terre d'Egypte. Ces "Egyptiens", tels qu'on les désignait à Byzance puis partout en Europe, ("Gitans" en français ou "Gypsies" en anglais…) étaient alors installés sous de grandes tentes noires, à l'extérieur des murailles byzantines. C'est à la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453 que les Roms s'établirent dans l'enceinte de la cité avec d'autres communautés Roms emportées par la conquête. Reconnus pour leur talent de musiciens et de danseurs, les Roms animèrent des siècles durant la cour des Sultans. Après la chute de l'Empire, les festivités continuèrent à Sulukule. De nombreuses tavernes, dans lesquelles se produisaient orchestres et danseuses du ventre, attiraient chaque nuit un millier de Stambouliotes et de touristes. Ce fut l'âge d'or de Sulukule, immortalisé dans des séries télé turques et dans James Bond "Bons baisers de Russie", sorti en 1963. Face aux démolitions et aux expulsions, Sükrü Pundük, issu d'une des plus vieilles familles du quartier, et des membres de la société civile turque ont créé l'Association de développement et de soutien de la culture rom. Son but est de défendre le droit des habitants de Sulukule, en mettant en avant la longue présence des Roms dans le quartier et la contribution de leur culture à la spécificité d'Istanbul. L'Association reçoit le soutien des universités d'architecture et d'urbanisme d'Istanbul et celui de l'Unesco qui a classé le quartier "patrimoine culturel et historique". Sükrü Pundük réside encore à Sulukule. Il affirme qu'il ne partira pas, quitte à s'installer, comme l'ont fait ses ancêtres, dans de grandes tentes noires sur un terrain vague qui borde les murailles de Théodose. Car c'est là qu'est née l'histoire du peuple gitan dans son ensemble, dont l'anniversaire du premier millénaire est proche (1054-2054). C'est à Sulukule que l'identité et le nom des Gitans ont été établis, et c'est de là qu'ils se sont élancés dans leur longue marche vers l'ouest, à travers l'Europe et le monde. |
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