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Thaïlande : des bénévoles au secours des victimes de l'insurrection

AFP, le 8 novembre 2012
   

La plupart vivent de la récolte du caoutchouc, mais leur vie est rythmée par les bombes et fusillades. Dans le sud thaïlandais en proie à une insurrection sanglante, les premiers secours sont confiés à des bénévoles.

A Bannang Sata, un bastion des insurgés dans la province de Yala, les attaques se succèdent à un rythme effréné.

"C'est difficile de récupérer un corps quand il a été brûlé, décapité, ou touché par une explosion", commente Madanee Duereh qui, comme beaucoup de membres de la Fondation Hilal Ahmad, travaille dans les plantations d'hévéas qui parsèment cette région à majorité musulmane.

"C'est notre devoir d'aider les gens (...), de les aider à enterrer leurs morts de la bonne manière", poursuit le père de famille, en référence aux règles de l'islam qui stipulent que le corps entier doit être enterré.

Il y a sept ans, l'association a débuté avec une poignée de bénévoles. Aujourd'hui, elle gère des équipes de secours à travers les trois provinces du sud thaïlandais sous état d'urgence, Yala, Pattani et Narathiwat.

Plus de 5.300 personnes, dont une majorité de civils, ont été tuées dans cette région depuis janvier 2004, selon l'organisation Deep South Watch.

Les attaques quasi-quotidiennes sont imputées à une nébuleuse de groupes en quête d'autonomie, dénonçant ce qu'ils vivent comme une discrimination contre une population d'ethnie malaise et de religion musulmane dans un pays essentiellement bouddhiste.

Après chaque attaque, les villageois peuvent appeler le 1669. "C'est notre premier appel", explique Daliya Doloh, 60 ans, levant son sarong pour dévoiler une cicatrice laissée sur son genou par une balle reçue l'an dernier. Une fusillade contre un salon de thé qui avait fait quatre morts, dont un enfant.

"Dieu va nous protéger"

Mais les ambulances ne veulent pas se déplacer dans ces collines éloignées, en particulier la nuit ou à l'aube. Alors les chefs de village et la police locale se tournent vers la Fondation.

"Ils s'occupent de tout. Sans eux, nous serions tous seuls", insiste Doloh, racontant comment les sauveteurs amateurs ont pansé sa blessure avant de l'emmener à l'hôpital provincial.

Motivés par leur foi et un profond sens du devoir, les bénévoles de la Fondation Hilal Ahmad offrent 24 heures par semaine à l'association, priant ou sirotant du thé dans leur quartier général jusqu'à que les talkie-walkie les appellent.

"Ce travail est assez dangereux, mais (...) nous croyons que Dieu va nous protéger", explique Abdul Rahman Kalong, membre de l'équipe de 65 personnes.

Si les sauveteurs travaillent avec l'accord tacite des militants, ils ne sont pas à l'abri du danger lorsque ces derniers tentent d'attirer les forces de sécurité par une fusillade ou un engin explosif, pour ne déclencher une bombe de plus grande puissance que lorsqu'elles sont arrivées sur les lieux.

Et certains ont déjà dû se cacher dans des fossés en attendant qu'une fusillade soit terminée.

Les bénévoles, qui assurent soigner bouddhistes aussi bien que musulmans, sont formés aux premiers secours. Mais ils auraient bien besoin d'une formation plus complète et d'équipement, notamment de 4x4 pendant la saison des pluies, ajoute Abdul Rahman Kalong.

"Le prophète Mahomet a dit que si vous voulez que la société soit bonne, vous devez commencer vous-même (à la changer), c'est pour ça que nous faisons ça. Avec un peu de chance, travailler avec les communautés nous aidera vers la paix".

Mais cet espoir est ténu alors que les attaques se sont intensifiées depuis l'été. En juillet, Mohamadarafat Jehama, 35 ans, avait été le premier sur les lieux d'une voiture piégée qui avait tué cinq policiers dans le district de Raman, y découvrant des corps mutilés sur la route.

Il est probable qu'il soit à nouveau témoin de scènes d'horreurs similaires, mais il ne veut pas abandonner. "C'est chez moi ici, je ne connais pas autre chose", explique-t-il. "Je continuerai ce travail aussi longtemps que ce sera nécessaire".