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Réfugiés tamouls : «Les enfants meurent en premier» - 16/05/2009 -
Chronologie du conflit au Sri Lanka


 
 
La chasse aux Tigres s'achève dans le sang

Libération, le 18 mai 2009
   

A sa descente de l'avion, les mains jointes, il s'est s'agenouillé et a posé son front sur le tarmac de l'aéroport de Colombo, avant d'aller se faire bénir par tous les dignitaires religieux que compte le Sri Lanka. Le président Mahinda Rajapakse a regagné son pays, hier, en grand triomphateur, alors que ses troupes livraient les derniers combats contre les Tigres tamouls encerclés dans une minuscule enclave dans le nord-est de l'île.

Hier matin, les rebelles ont annoncé avoir cessé de combattre l'armée gouvernementale, reconnaissant ainsi leur défaite militaire au terme de trente-sept ans d'un conflit séparatiste qui aurait fait 70 000 morts. Plusieurs milliers de Sri-Lankais sont descendus dans les rues de la capitale pour danser et allumer des pétards.

Corps. «Cette bataille s'est achevée amèrement, a lâché le responsable des relations internationales des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), Selvarasa Pathmanathan. Il ne nous reste qu'un seul choix face à l'ennemi qui a tué notre peuple : nous avons décidé de faire taire nos armes.» Selon le guérillero, des milliers de corps de blessés et de morts demeureraient sur le champ de bataille.

Mais dans cette guerre sans témoins, tout chiffre est l'objet de rumeurs et de contradictions sans fin. Le porte-parole de l'armée gouvernementale, Udaya Nanayakkara, a assuré hier que la totalité des 50 000 civils avaient fui la zone de guerre au cours des soixante-douze dernières heures. Or vendredi, ces mêmes autorités sri-lankaises affirmaient qu'il ne restait «quasiment plus personne» dans l'enclave. Seule certitude : la situation humanitaire est d'ores et déjà «catastrophique», selon les ONG, et les civils ont payé le prix fort.

En raison de son offensive finale depuis janvier - qui a probablement tué, selon les Nations unies, 6 500 civils - le Sri Lanka s'est mis à dos l'Occident. Gordon Brown, Premier ministre du Royaume-Uni, l'ex-puissance coloniale, a averti Colombo qu'il y aurait des «conséquences pour ses actions», se disant favorable à une enquête pour «crimes de guerre» visant tant l'armée que les Tigres.

Ces jours-ci, les rebelles ont accusé les militaires d'avoir massacré des milliers de civils. Colombo a rétorqué que la guérilla tirait sur ces «boucliers humains». Mais aucune information fiable ne filtre en provenance d'une région à laquelle seule la Croix-Rouge a accès. Celle-ci s'est dite impuissante face à «une catastrophe humanitaire inimaginable». Le Conseil de sécurité de l'ONU avait sommé mercredi les belligérants d'épargner les civils.

«Achever». A Colombo hier soir, dans une ville calme mais toujours sous haute surveillance, les habitants attendaient l'arrêt effectif des hostilités. Les combats se poursuivaient dans de petites poches de résistance sur la bande côtière, où l'armée continue de refuser l'accès à tout observateur indépendant. Le général Udaya Nanayakkara a indiqué sans détour que l'armée était en train d'«achever» les Tigres. Les militaires disent avoir tué, hier, au moins 70 rebelles tamouls qui tentaient de s'enfuir en bateau, et encerclent les derniers combattants dans un réduit de 400 mètres sur 600. Avant d'être pris, plusieurs d'entre eux se seraient suicidés, selon un rituel des LTTE. Des soldats sri-lankais ont découvert leurs corps. Il pourrait s'agir des dépouilles de Velupillai Prabhakaran, le leader historique des Tigres que Colombo traque depuis des années, et de ses proches collaborateurs. Le ministère de la Défense cherchait toujours hier soir à les identifier.

La « défaite militaire des terroristes» avait été annoncée, dès samedi, par le président nationaliste Mahinda Rajapakse, l'architecte depuis trois ans - avec son frère Gotabhaya au ministère de la Défense - d'une guerre à outrance contre les Tigres. Le chef de l'Etat pourrait annoncer demain au Parlement la fin officielle du plus vieux conflit d'Asie.




Chronologie du conflit au Sri Lanka

AP, le 18 mai 2009

Les grandes dates du conflit au Sri Lanka :

- 1975: création des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), qui réclament un Etat séparé pour la minorité tamoule dans le nord et l'est du pays

- 1983: début de la guerre civile

- 1991: un Tigre tamoul assassine dans un attentat-suicide l'ancien Premier ministre indien Rajiv Gandhi, en représailles apparemment à l'envoi de troupes indiennes participant aux combats contre les rebelles au Sri Lanka

- 1993: un kamikaze tamoul tue le président sri-lankais Ranasinghe Premadasa après l'échec d'une tentative de pourparlers de paix

- février 2002: Colombo signe un accord de cessez-le-feu avec les Tigres tamouls

- juin 2005: les relations entre le gouvernement et les rebelles se dégradent sur la question du partage de l'aide internationale destinée aux victimes du tsunami

- août 2005: le ministre des Affaires étrangères Lakshman Kadirgamar, un Tamoul opposé à la création d'un Etat indépendant pour sa minorité, est assassiné. Une action imputée aux LTTE

- décembre 2005: les rebelles lancent leur première grande attaque depuis le début de la trêve, tuant au moins 12 membres de la marine sri-lankaise. Cette offensive est suivie d'une série d'attaques.

- 22 février 2006: des représentants du gouvernement et des rebelles se rencontrent en Suisse pour des pourparlers de paix, et décident de réduire les violences. Une deuxième série de négociations est reportée quelques mois plus tard en raison de désaccords entre les deux parties

- 8 juin 2006: échec de négociations en Norvège destinées à restaurer la paix

- 20 juillet 2006: les Tigres tamouls ferment les vannes d'un réservoir dans l'est de l'île, privant d'eau plus de 60.000 personnes, et conduisant le gouvernement à lancer sa première grande offensive en territoire rebelle depuis le cessez-le-feu de 2002

- 11 juillet 2007: le gouvernement annonce avoir chassé les rebelles de l'est de l'île

- 2 novembre 2007: le chef de l'aile politique des Tigres tamouls, S.P. Thamilselvan, considéré comme le No2 deux du LTTE, est tué dans un raid aérien de l'armée

- 2 janvier 2008: après avoir décidé la veille de se retirer d'un cessez-le-feu négocié sous médiation internationale, le gouvernement annonce que les Tigres doivent désarmer avant toute nouvelle négociation de paix

- 2 août 2008: l'armée annonce que ses troupes entrent dans le district de Kilinochchi, la capitale de facto des Tigres, pour la première fois depuis 11 ans

- 2 janvier 2009: l'armée s'empare de Kilinochchi

- 25 janvier 2009: l'armée enlève le dernier grand bastion des rebelles, Mullaittivu

- 17 mai 2009: les rebelles assiégés dans un minuscule réduit côtier proposent de déposer les armes

- 18 mai 2009: le gouvernement annonce la prise de cette ultime zone de guerre et la mort du chef des rebelles, Velupillai Prabhakaran.

 

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