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Deux ans après le tsunami, violences et corruption freinent la reconstruction


 
  Le Sri Lanka bascule à nouveau dans la guerre civile

AP, le 5 mai 2007

Cinq ans après un cessez-le-feu qui avait mis fin à deux décennies d'affrontements, le Sri Lanka a replongé de plus belle dans la guerre civile. Et, désormais, le conflit semble avoir changé d'échelle : face aux attentats-suicide et attaques parfois spectaculaires des rebelles tamouls, le gouvernement a fait le choix de la guerre totale, avec bombardements aériens et recours à la Marine.

Alors que les combats font rage principalement dans le nord-est de cette île située au large de la pointe sud-est de l' Inde , un journaliste de l'Associated Press a été autorisé à traverser les lignes de front pour se rendre en territoire rebelle, premier déplacement du genre d'un reporter étranger depuis la reprise des affrontements en août dernier.

Dans la ville de Kilinochchi, "capitale" des rebelles en pleine jungle, les avions de combat de l'armée régulière opèrent des survols nuit et jour alors que retentissent au loin le bruit sourd des incessants tirs d'artillerie.

Dans ce bastion des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), le cessez-le-feu de 2002 n'est plus qu'un lointain souvenir. Ce jour-là, deux appareils de l'aviation gouvernementale lâchent des fusées éclairantes pour illuminer une position dans la jungle, utilisée par les rebelles pour leurs tirs de mortier. Immédiatement, paysans et insurgés se précipitent dans des abris de fortune avant que les jets ne bombardent la position et anéantissent les nids de mortiers rebelles.

Samedi, c'est la Marine sri-lankaise qui pilonnait une flottille d'une trentaine de bateaux rebelles au large de la côtes orientale de l'île, donnant lieu à une véritable bataille navale au cours de laquelle deux des plus gros navires des Tigres ont été coulés et 12 insurgés tués, selon les autorités. Les LTTE avancent un bilan de seulement trois morts dans leurs rangs.

Les signes d'une reprise à grande échelle de la guerre entre le gouvernement -dominé par la majorité cinghalaise de confession bouddhiste - et les Tigres -mouvement séparatiste représentant la minorité tamoule hindouiste - sont omniprésents : d'un côté des soldats patrouillant en tenue de combat dans Colombo, une capitale de plus en plus fortifiée ; de l'autre des bunkers et des tranchées parcourant tout le territoire rebelle dans le nord-est de l'île.

Officiellement, les deux camps affirment continuer à respecter la trêve. Dans les faits, le cessez-le-feu a volé en éclats. A la fin 2005, fusillades et attentats ont repris de façon sporadique, principalement du fait des rebelles qui cherchaient ainsi à obtenir des concessions du gouvernement à la table des négociations. Jusqu'à la spectaculaire attaque contre un bus qui a fait 64 morts en juin 2006.

Mais, cette stratégie des LTTE ne s'est pas avérée payante. Deux mois plus tard, en août 2006, le président sri-lankais Mahinda Rajapakse, soutenu au départ par la fraction la plus dure des Cinghalais, optait pour la guerre totale. Un choix qui est désormais approuvé par 60% de la majorité cinghalaise du pays.

Aujourd'hui, les forces sri-lankaises n'hésitent plus à s'enfoncer en territoire rebelle, alors que le gouvernement affiche à présent ouvertement l'objectif d'écraser militairement son ennemi. "Nous voulons les détruire, les bases tamoules, toutes ces choses", a déclaré le ministre de la Défense Gotabhaya Rajapakse dans un entretien à l'Associated Press. Gotabhaya Rajapakse, frère du chef de l'Etat, a échappé en décembre à un attentat-suicide des Tigres contre son convoi.

L'objectif gouvernemental ne sera pas si aisé à atteindre. Les Tigres tamouls auraient plus de 10.000 hommes et femmes enrôlés dans leurs rangs, une armée rebelle à l'allure de secte dans laquelle les combattants n'ont pas le droit de se marier avant 25 ans et doivent toujours avoir sur eux des capsules de cyanure pour se donner la mort s'ils sont capturés.

Dans les batailles conventionnelles et les opérations de guérilla, les Tigres sont réputés supérieurs aux 66.000 soldats de l'armée régulière. En mars dernier, ils ont mené une opération spectaculaire en effectuant leur premier raid aérien, le bombardement d'une base de l'armée de l'air près de l'aéroport international de la capitale, Colombo, au cours duquel trois militaires ont été tués.

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Sri Lanka

Deux ans après le tsunami, violences et corruption freinent la reconstruction

RFI, le 26 décembre 2006

Des déplacés construisent de nouvelles tentes pour les milliers de victimes du tsunami qui fuient les bombardements de Vakarai.

La reprise des hostilités dans l'Est et la corruption dans le Sud empêchent le Sri Lanka de se reconstruire rapidement, malgré les dons importants qui ont suivi la catastrophe du 26 décembre 2004. Selon un rapport officiel, seulement 13% de l'aide ont été dépensés et des milliers de personnes vivent toujours dans des abris temporaires.

Reportage de notre correspondant à Colombo

Cobra Junction. Devant la base militaire, le long de la route, un pneu en position verticale sur lequel est peint le nom du carrefour. Ici, on ne va pas plus loin. Des bombardements sont prévus dans l'après-midi et l'armée s'attend à des tirs d'artillerie ennemis. Pourtant, après quelques négociations, le responsable du camp nous autorise à visiter les nouvelles constructions post-tsunami. A Wadawan, maçons, charpentiers et plâtriers sont à la tâche. « Je suis extrêmement heureux de ma nouvelle maison, elle est plus solide, plus grande que celle que j'avais auparavant » dit Mylvaganan Sathyamoorthy, 50 ans et père de deux enfants . « Quand on a dit que l'on allait avoir des problèmes pour payer l'électricité, l'organisation humanitaire nous a installé des panneaux solaires. Dès que j'aurais emménagé, je vais transformer cet abri temporaire en petit commerce », ajoute ce pêcheur, satisfait.

Fuir les bombardements

Au loin, des bruits de bombardement résonnent au dessus des champs de cocotiers. Un peu plus au sud, le long de la route côtière, le camp de Vinayagapuram dans la ville de Velachchenai accueille plus de 700 familles, dont la moitié sont des enfants. La plupart sont des Tamouls de Vakarai, là où les combats sont les plus violents entre l'armée et les Tigres de l'Eelam tamoul (LTTE), la guérilla indépendantiste qui revendique les territoires du Nord et de l'Est du Sri Lanka. « Il y a deux ans, ma maison a été détruite par le tsunami et la nouvelle était presque terminée. Il ne restait plus qu'à poser le toit, mais on a dû fuir à cause de la guerre. Je vais rester dans ce camp de déplacés où j'habite sous une tente avec mes cinq enfants » confie Arumugam Pavalarana, 46 ans, accroupie sur le sable devant une marmite sur le feu. Comme elle, ils sont des milliers à fuir les bombardements, le plus souvent sans avoir eu le temps de prendre ni sandales, ni saree.

Des soldats surveillent le camps de Vinayagapuram, dans la région de Batticaloa. Des milliers de victimes du tsunami y arrivent depuis la reprise des hostilités entre l'armée et la guérilla indépendantiste tamoule. Et ce, malgré le fait que leurs maisons ont été, ou sont en passe d'être reconstruites.

Des maisons reconstruites puis détruites

Il y a plus d'un an plusieurs organisations humanitaires se sont lancées dans la reconstruction post-tsunami dans l'Est du Sri Lanka. D'une part parce que les deux tiers de la côte ont été touchés et d'autre part parce qu'après plus de vingt années de guerre civile, les besoins sont plus importants. « Il y a plus d'un an, la région était accessible mais la situation est de pire en pire ici. Certains de nos bénéficiaires sont d'ailleurs déjà partis et nos partenaires locaux nous ont dit que certaines de nos maisons ont été détruites par les bombardements. Il y a même un obus qui est tombé dans une de nos maisons et qui n'a pas explosé » lâche Sabine Rosenthaler, chef de projet chez Helvetas, une ONG suisse, au cours de la visite de la reconstruction d'un quartier de Tiramaidu. Ici aussi les ouvriers sont à l'œuvre même si « depuis juillet dernier, les organisations humanitaires se sont focalisées sur les personnes déplacées par le conflit entre l'armée et les LTTE, et ce malgré le fait qu'il y a encore beaucoup de demandes et que de nombreuses personnes sont sans abris » selon Sabine Rosenthaler.

A Batticaloa, un responsable d'ONG affirme sous couvert d'anonymat, avoir subi des pressions afin qu'il octroie des maisons à une liste de bénéficiaires inconnus. « Je reçois plusieurs coups de fils par jour. On me dit qu'il faut que j'attribue des habitations à ces gens là mais le problème est qu'ils ne répondent pas à nos critères. Ma secrétaire a été menacée de mort. J'ai du la muter à Colombo. » Il est vrai qu'il règne un climat d'impunité dans cette grande ville de l'Est, coincé entre la lagune et l'océan Indien, depuis que la faction dissidente des LTTE (la faction Karuna) fait régner la terreur avec la bénédiction de l'armée sri lankaise. Plusieurs témoins confirment ce sinistre chantage.

Des dons contre un soutien politique

Dans le Sud du pays, la reconstruction avance. Des centaines d'ONG multiplient projet sur projet, font «sortir les maisons de terre» et inaugurent village après village. Loin des bombardements et des populations déplacées par la guerre civile, les seuls obstacles sont les lois contradictoires du gouvernement ainsi que la corruption des politiciens locaux. L'ONG Reconstruire et Vivre a rebâti deux villages, soit une cinquantaine de maisons, et s'occupe également de la maternelle que la responsable de l'association, Patricia Wickramasinghe, dit avoir remis sur pied. Elle témoigne des mœurs de certains responsables locaux : « Dans un de nos villages reconstruit, il y avait un pêcheur qui avait reçu deux bateaux avec leurs moteurs. Après discussion, nous avons découvert que c'était le politicien du coin qui offrait cela. Mais seulement aux gens qui le soutenaient ».

 

   
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