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Cinq ans après la fermeture de Sangatte, le problème des migrants n'est toujours pas réglé


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AP, le 15 décembre 2007

CALAIS - Près de cinq ans après la fermeture définitive du centre de Sangatte, dans le Pas-de-Calais, le 21 décembre 2002, élus locaux et associations d'aide aux migrants tirent un bilan très mitigé : les migrants continuent d'affluer en masse dans le Calaisis et vivent livrés à eux-mêmes dans des conditions sanitaires très difficiles.

"Rien n'a changé, la situation s'est même aggravée", considère Jean-Claude Lenoir, de l'association calaisienne Salam. "Chaque soir, en ce moment, nous distribuons en moyenne 300 repas aux migrants, avec parfois des pointes à 450 voire 500 repas, certains week-ends."

On est loin des 2.000 personnes qu'avait fini par abriter en permanence le centre d'accueil des réfugiés lors de sa dernière année de fonctionnement. Mais selon les associations d'aides aux migrants, la fermeture du centre géré par la Croix-Rouge a simplement provoqué un étalement des migrants sur tout le littoral. "Il y en a près d'une centaine aux environs de Dunkerque, ainsi que des petits groupes d'une trentaine de personnes, autour de Calais", constate Jean-Claude Lenoir.

D'autres points de fixation se sont créés, ces dernières années, autour des ports transmanche de Cherbourg, Ouistreham, et en Belgique, à Zeebrugge. A tel point que les maires de Calais, Cherbourg et Dunkerque ont interpellé en septembre dernier le gouvernement, dénonçant "un afflux croissant d'immigrants cherchant à gagner la Grande-Bretagne".

Au flux historique, composés des Kurdes, Afghans et Pakistanais, s'ajoute désormais toute une population venue d' Afrique , qui représente aujourd'hui plus de 40% des migrants. Tous continuent d'arriver en masse, à Calais, dans l'espoir de rejoindre la Grande-Bretagne. Mais le renforcement des contrôles, dans l'enceinte du port de Calais, ajouté à l'action des 480 agents de la Police aux Frontières, sur place, ont rendu très difficile le passage outre-Manche.

Depuis la fermeture de Sangatte, les migrants sont retournés dans la rue. Dans les bois jouxtant le port, plus précisément. Quelques hectares qui, rapidement, ont pris le surnom de "jungle". Des dizaines d'abris de fortunes y sont installés en permanence, construits à partir de palettes récupérées, de branche et de bâches. Les migrants s'y entassent et les rares couvertures, distribuées par les associations, y pourrissent sous la pluie, toujours généreuse dans la région.

Deux ans de suite, en 2004 et 2005, l'organisation Médecins sans Frontière est venue assurer des consultations médicales gratuites, deux fois par semaine, avant de passer le relais à l'hôpital de Calais, qui tient depuis une permanence de soins gratuits: "on les soigne surtout pour des infections de la peau ou des maladies pulmonaires, directement liées à leurs conditions de vie", explique Céline Dallery, infirmière au sein de la permanence.

Beaucoup viennent également avec des blessures attrapées en tombant d'un camion, dans une bagarre ou en fuyant la police. En venant ici, ils se confient souvent et reconnaissent qu'ils ne s'attendaient pas à faire face à une situation en se lançant dans leur voyage".

De son côté, "la police débarque dans la jungle", selon Jean-Claude Lenoir, "détruit les abris, contrôle et interpelle les migrants en situation irrégulière, les emmène au centre de rétention de Coquelles (à quelques kilomètres de là, ndlr) et les relâche deux jours plus tard parce qu'ils sont inexpulsables, venant de pays en guerre".

De 97.000 en 2002, le nombre d'interpellations est tombé à 17.000, avant de repartir à la hausse, à partir de 2004. Il atteignait les 24.000, en 2006. "Nous interpellons une cinquantaine de migrants par jour", confie un cadre local de la Police aux Frontières. "Mais dans les faits, cela n'aboutit qu'à 1.400 procédures de reconduites à la frontière, et encore, la plupart du temps dans un autre pays européen où la personne a déjà demandé l'asile".

"C'est un fiasco total", juge aujourd'hui Denis Duvot, directeur de cabinet de maire communiste de Calais, Jacky Hénin. La municipalité, qui a soutenu avec un espoir circonspect la fermeture de Sangatte, affiche aujourd'hui une désillusion amère. "Les migrants sont toujours là, sauf qu'on les laisse crever", dénonce Denis Duvot. "Le président de la République se moque de Calais et de la misère de ces gens", accuse-t-il, rappelant que Nicolas Sarkozy alors ministre de l'Intérieur avait promis le 12 novembre 2002 devant l'Assemblé Nationale, que chaque étranger en situation irrégulière recevrait une information et qu'aucun ne coucherait dehors.

Daniel Vaillant, ancien ministre socialiste de l'Intérieur, assure avoir "toujours été convaincu que ce serait une erreur" de fermer Sangatte. "J'ai toujours pensé que la solution passe par arrêter le flux et non pas par fermer le système de régulation qu'était Sangatte". "Il y a plus de migrants dans la nature aujourd'hui qu'à l'époque de Sangatte, j'en suis convaincu", ajoute-t-il. "Celle qui s'en sort le mieux, dans l'histoire", relève ironiquement Daniel Vaillant, "c'est la Grande-Bretagne".

Malgré les contrôles, les autorités françaises reconnaissent qu'en moyenne, une quinzaine de clandestins passent chaque jour outre-Manche au départ de Calais. Les autres survivent en attendant leur tour, dans des conditions chaque jour plus difficiles.

La municipalité de Calais vient de débloquer 200.000 euros afin de construire une structure d'accueil de jour -"mais pas d'hébergement", insiste-t-on- où seraient rassemblées douches, aide administratives et distribution de nourriture. La délibération doit être voté d'ici à la fin du mois, lors du dernier conseil municipal. La préfecture a d'ors et déjà fait savoir qu'elle s'y opposerait.

 

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