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Amnesty invite le Rwanda à amender "l'idéologie du génocide"

Reuters, le 31 août 2010
   

Amnesty International a invité mardi le Rwanda à amender sa législation sur "l'idéologie du génocide" utilisée, selon l'ONG de défense des droits de l'homme, pour réprimer l'opposition politique et museler la liberté d'expression.

Les autorités de Kigali font valoir que cet appareil législatif est nécessaire pour prévenir une répétition du génocide du printemps 1994, qui fit environ 800.000 morts parmi la minorité tutsie et chez les Hutus modérés.

Des défenseurs des libertés fondamentales font état d'une dérive autoritaire du gouvernement de Paul Kagamé, notamment avant l'élection présidentielle du 7 août qui a vu la victoire confortable du chef de l'Etat sortant.

Deux candidats de l'opposition ainsi qu'un directeur de journal ont été arrêtés, et inculpés, entre autres, d'"idéologie du génocide" à l'approche du scrutin.

Dans un rapport intitulé "Safer to Stay Silent" (Il vaut mieux se taire), Amnesty estime que le caractère vague des expressions "idéologie du génocide" et "sectarisme" pourrait servir à criminaliser des voix discordantes dans la classe politique, la presse et chez les défenseurs des droits de l'homme.

"L'ambiguïté de la législation sur 'l'idéologie du génocide' et le 'sectarisme' signifie que nombre de Rwandais vivent dans la crainte d'être sanctionnés pour avoir dit ce qu'il ne fallait pas dire", explique Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d'Amnesty. "La plupart choisissent la sécurité en se taisant".

L'ONG affirme que beaucoup de Rwandais, y compris parmi des spécialistes du droit comme des juristes et des militants des droits de l'homme, se révèlent incapables de définir précisément ce que veut dire "idéologie du génocide".

RÉGLER DES CONFLITS PERSONNELS

"Même des magistrats, qui sont des professionnels chargés de faire appliquer la loi, relèvent que la loi est générale et abstraite", lit-on dans ce rapport.

La BBC et la Voix de l'Amérique ont été accusées par le pouvoir rwandais de propagation de l'"idéologie du génocide", ce qui s'est traduit par la suspension pour deux mois du service en langue Kinyarwanda de la radio britannique en avril 2009.
Les autorités de Kigali réfutent les accusations portées par Amnesty.

"L'interprétation et la décision de clarifier le caractère vague de nos lois ne devraient pas être le fait d'entités étrangères", a déclaré à Reuters le procureur général du Rwanda, Martin Ngoga. "Notre législation a été mise en place par des institutions compétentes et sont propres à nos problèmes et à notre société".

Selon Amnesty, l'accusation d'"idéologue du génocide" sert à l'échelon individuel à régler des différends personnels. "Cette législation permet de sanctionner pénalement y compris des enfants âgés de moins de 12 ans, tout comme des parents, des tuteurs ou des enseignants reconnus coupables d'avoir 'inoculé' l''idéologie du génocide' à un enfant", assure l'ONG.

Ces adultes sont passibles de peines allant de dix à 25 ans d'emprisonnement.

En avril, le gouvernement de Kigali avait toutefois annoncé une révision de cette législation.

"Le gouvernement rwandais doit amender de manière importante ces lois, manifester publiquement son attachement à la liberté d'expression, revoir des condamnations passées et former la police et le parquet sur la façon d'enquêter sur ces accusations", suggère Amnesty dans son rapport.

La loi sur l'"idéologie du génocide" a été proclamée en 2008 au Rwanda, celle sur le "sectarisme" sept ans auparavant.

Selon les statistiques officielles, 1.034 procès pour "idéologie du génocide" ont eu lieu en 2007 et 2008 dans ce pays. Amnesty affirme que sous cette rubrique figurent des personnes accusées pour des crimes comme assassinat et empoisonnement, menaces et destruction de cheptel.