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AFP, le 17 décembre 2010
Les musulmans de Moscou ne cachaient ni leur inquiétude, ni leur colère à la prière du vendredi quant à la multiplication cette semaine des manifestations et crimes racistes, déclenchée par le meurtre d'un supporter de foot dans une rixe avec des Caucasiens.
Le responsable de la principale mosquée de Moscou, Ildar Khazrat Aliaoutdinov souligne que depuis le rassemblement de jeunes nationalistes du 11 décembre face au Kremlin, où les slogans racistes avaient fusé, la peur était palpable dans la communauté.
Ce jour là, des milliers de fans de foot et des militants d'extrême droite avaient combattu la police et battu des Caucasiens, originaires d'une région majoritairement musulmane du sud de la Russie. "A cause de cette situation, on a moins de gens qui sont venus cette semaine" à la mosquée, explique l'imam, "tous les jours nous voyons qu'il y a nettement moins de monde", poursuit le religieux.
Généralement le vendredi les rues entourant la mosquée sont envahies par les fidèles qui prient sur les trottoirs. Cette fois-ci même la cour de la mosquée n'était pas bondée.
"Bien entendu que les gens ont peur pour leur sécurité, pour leur vie", explique M. Aliaoutdinov, ajoutant avoir dès lors conseillé aux musulmans présents de ne pas voyager seuls et d'éviter de sortir la nuit.
Depuis une semaine, Moscou est sur le qui-vive. Mercredi, la police a déployé 3.000 hommes qui ont procédé à des centaines interpellations pour empêcher des affrontements entre militants d'extrême droite et des personnes originaires du Caucase.
Une nouvelle manifestation nationaliste est prévue samedi après-midi dans le nord de la capitale russe, laissant craindre des débordements, d'autant que les autorités ont promis de disperser ce rassemblement.
Par ailleurs, depuis dimanche plusieurs attaques racistes ont fait des victimes : un ressortissant kirghiz et un Ouzbek ont été tués et un Vietnamien blessé par des bandes de jeunes composées notamment de mineurs, tandis que des Daguestanais - un peuple caucasien - ont tabassé trois Moscovites.
"Nous avons peur de marcher seuls la nuit, j'ai déjà vu de mes yeux quelqu'un se faire tuer, moi-même j'ai déjà été agressé, par six personnes, des skinheads", confie Moukhammed Moussaïev, un Tadjik venu prier vendredi.
Le responsable de la mosquée raconte pour sa part avoir reçu des menaces anonymes, "c'est désagréable", dit-il.
Chez d'autres fidèles venus des républiques ex-soviétiques d'Asie centrale pour travailler à Moscou comme des centaines de milliers de personnes de ces pays ruinés, c'est la colère qui domine face au racisme ambiant.
"Moi, j'ai l'impression qu'Hitler a vécu ici, il y a tellement de racisme", s'emporte Mahmoud Chakirov.
"Si on avait voulu la guerre, on l'aurait faite depuis longtemps. Nous, les immigrés, on est juste venu travailler, pas pour avoir des problèmes", ajoute-t-il.
D'autres ne cachent pas leur méfiance vis-à-vis du pouvoir russe, régulièrement accusé d'être trop indulgent envers l'extrême droite en cherchant à promouvoir le patriotisme.
"Je pense que (les affrontements devant le Kremlin) étaient planifiés par certains cercles politiques qui ne veulent pas qu'on vive en Russie, ne veulent pas de notre mode de vie, de notre culture", estime Taïra Khabiboulina, qui est musulmane par son père et russe-orthodoxe par sa mère.
"Les Russes n'ont pas d'idéologie, alors ils disent juste à leurs enfants : nous sommes des Russes (...) et c'est ainsi qu'ils leur apprennent la haine de l'islam", ajoute Abdoulla Abdoullaïev, un Tadjik de 23 ans.
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