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Monsieur Besson, cessez de détourner les droits de l'enfant

Libération, le 14 août 2009

Par le président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme.

Je ne ferai pas l'injure au service de presse d'Eric Besson de ne pas connaître le poids des mots et de l'histoire : aussi suis-je stupéfait du communiqué qu'il a publié le mercredi 12 août. Celui-ci, tout en l'habillant d'une référence à la convention des droits de l'enfant, recourt à la nécessité de ne pas séparer les enfants de leurs parents pour justifier l'enfermement de mineurs et leur expulsion.

Certes, toute comparaison historique serait déplacée mais le détournement sémantique et juridique auquel se livre le ministère de l'Identité nationale montre que l'on ne doit jamais oublier, citation pour citation, les dispositions de l'article 30 de la déclaration universelle des droits de l'homme qui rappellent qu'aucune des dispositions de ce texte, comme de tous les textes qui en procèdent (et la convention des droits de l'enfant en est un), n'autorise à détruire les droits et libertés qui y sont énoncés.

Suivons le raisonnement du ministère : la convention des droits de l'enfant recommande aux Etats de ne pas séparer les enfants de leurs parents, donc en enfermant et, parfois, en expulsant tout ou partie d'une famille (le ministère ne s'interdit pas en effet d'expulser partie d'une famille laissant l'autre dans le plus grand désarroi), il satisfait à cette convention.

Mais la convention des droits de l'enfant n'a jamais été faite pour autoriser les Etats à séparer les familles, à enfermer les enfants, à les priver d'école, de logement, de soins médicaux, de leurs amis et, pour ceux nés en France, d'une future nationalité française ! Le gouvernement fait ainsi ce qu'interdit la déclaration universelle des droits de l'homme : il s'autorise d'une disposition de la convention des droits de l'enfant, en détourne le sens et la portée et l'utilise au détriment de toutes les autres dispositions protectrices des droits de l'enfant qui constituent autant de désaveux à la politique qu'il mène.

En réalité, au profit d'une xénophobie d'Etat que l'intitulé du ministère aujourd'hui occupé par Eric Besson synthétise, le gouvernement fait prévaloir sur les droits des enfants l'application de sa politique d'immigration. Peu importe que le Conseil de l'Europe fasse des remontrances, peu importe que le comité chargé de l'application de la convention des droits des enfants s'insurge, peu importe que la défenseure des enfants tique et que la commission nationale consultative des droits de l'homme critique : le silence du communiqué de presse du ministère d'Eric Besson est, à cet égard, révélateur d'un autisme qui n'est pas la manifestation d'un quelconque handicap, mais la volonté fermement énoncée de s'affranchir de l'Etat de droit. Sinistre inversion des valeurs où les droits des mineurs, et de manière plus générale des individus, sont moins importants que la décision de faire des étrangers des indésirables permanents.

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