Dans la Bande de Gaza, la répression bat son plein contre les "collaborateurs", des Palestiniens accusés d'espionnage pour le compte d'Israël. Lancée début septembre par le Hamas, au pouvoir dans le territoire, cette campagne a ciblé certains membres importants de la société gazaouie, déclenchant des critiques inhabituelles et engendrant un climat de peur et de suspicion.
Si un traitement radical des "collaborateurs" présumés est généralement bien vu et la violence plutôt habituelle dans la bande côtière, la campagne actuelle semble différente: des noms respectés de la société gazaouie, voire même des membres du Mouvement de la résistance islamique figurent apparemment parmi les personnes arrêtées. Et le secret extrême que maintient le Hamas autour de ces opérations alimente un climat de suspicion pesant pour la population.
"Tout le monde à Gaza est suspect", résume Mukheimar Abou Sada, un politologue gazaoui renommé, qui décrit le climat de peur régnant actuellement dans le territoire, où le châtiment réservé aux traîtres est généralement la mort, qu'elle soit délivrée par les tribunaux ou des milices. Le Hamas a l'impression "que le gouvernement a été complètement infiltré, et qu'Israël en sait plus sur le Hamas que le Hamas lui-même".
Après sa prise de pouvoir dans la Bande de Gaza en juin 2007, le Hamas a mené des vagues de répression, d'abord politiques dirigées contre les membres du Fatah, le parti rival. L'éventail des cibles s'est ensuite élargi, visant des tribus, des organisations de défense des droits de l'Homme ou des musulmans radicaux opposés au Mouvement de la résistance islamique. Parallèlement à ces actions, le Hamas a imposé une vision rigoriste de l'islam, interdisant notamment aux femmes l'accès aux cafés et leur imposant le port du voile.
Selon des organisations humanitaires, souvent en contact avec les services de sécurité, une vingtaine de membres de faible importance de Hamas sont actuellement derrière les barreaux, sans aucun accès à leurs proches ou à un avocat. Oussama Hamdan, haut responsable du mouvement installé au Liban, affirme, lui, que certains d'entre eux sont déjà passés aux aveux.
La direction du Hamas impose le secret absolu, de crainte que ces informations remontent jusqu'aux autorités israéliennes. "Nous parlons d'un sujet très sensible, et nous refusons la précipitation", explique Ehab Ghussain, porte-parole du ministère de l'Intérieur du mouvement.
En attendant, la rumeur va bon train, atteignant des familles sans histoire. Ainsi, nombreuses sont les personnes arrêtées pour des délits de droit commun à être immédiatement étiquetées "collaborateurs" par leurs voisins.
"La rumeur a touché des gens, des familles et des organisations respectées à Gaza, et cela a généré de la confusion et conduit à l'émiettement de notre fabrique sociale", a regretté l'écrivain gazaoui Moustafa Sawaf dans le quotidien pro-Hamas "Felesteen", publication d'ordinaire clémente avec le Mouvement de la résistance islamique.
Israël dispose depuis très longtemps d'un vaste réseau d'informateurs dans les Territoires palestiniens, mais la situation semble avoir changé avec l'assassinat par ses services du ministre de l'Intérieur de Hamas Said Siyam, lors de la dernière opération militaire à Gaza. Vivant dans la clandestinité, Said Siyam était censé être inaccessible aux forces israéliennes, et son assassinat a fait naître des doutes sur d'éventuelles taupes parmi son entourage, selon Mukheimar Abou Sada.
Il y a quelques mois a alors été lancée la campagne "Repentir pour les collaborateurs", où les espions étaient encouragés à se rendre en échange d'une amnistie. Et, en mai, trois "collaborateurs" ont été exécutés par le Hamas, tandis que 11 autres ont été condamnés à mort depuis. "Il ne fait aucun doute que le cercle se referme du fait des actions qui sont menées", estime Oussama Hamdan.
A Gaza, un "collaborateur" d'Israël condamné à mort par le Hamas
AP, le 23 septembre 2010
Engagé dans une campagne de traque des "collaborateurs" de l'Etat hébreu, le mouvement palestinien Hamas, au pouvoir dans la Bande de Gaza, a annoncé jeudi la condamnation à mort d'un homme accusé d'espionnage pour Israël.
Omar Kawari a été condamné à mort par un peloton d'exécution par un tribunal militaire du Hamas, a précisé le mouvement de la Résistance islamique sans autre détails.
En mai dernier, le Hamas avait exécuté trois Gazouis condamnés pour collaboration avec Israël. Onze autres ont également été condamnés à mort.