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La déchéance de la nationalité réservée aux meurtriers de policiers et gendarme. Le Monde
Sarkozy veut restreindre le droit du sol. Les Echos



Déchéance de nationalité : une voie juridique étroite
 

Les Echos, le 6 septembre 2010
   

Le chef de l'Etat doit décider aujourd'hui des modifications codifiant la déchéance de nationalité. Un durcissement qui se heurte selon plusieurs juristes au principe d'égalité de notre Constitution.

C'est aujourd'hui que le chef de l'Etat doit arbitrer entre trois de ses ministres. Brice Hortefeux, Eric Besson et Michèle Alliot-Marie ont tous les trois planché au mois d'août sur les conditions d'assouplissement de la déchéance de la nationalité pour les auteurs de « crimes graves », comme l'avait demandé le président de la République lors de son discours prononcé à Grenoble le 30 juillet. Parmi les propositions, celle de Brice Hortefeux va le plus loin : le ministère de l'Intérieur souhaite priver de leur nationalité les Français naturalisés depuis moins de dix ans reconnus coupables de meurtres à l'encontre d'un policier ou d'un gendarme, mais également ceux qui pratiquent « la polygamie de fait » ou l'excision.

Plusieurs juristes doutent de la compatibilité du dispositif qui sera retenu avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans leur décision du 26 juillet 1996, les sages de la Rue Cambon avaient bien validé l'extension de la déchéance de nationalité au cas de terrorisme, en soulignant toutefois que seule l'extrême gravité d'un tel acte pouvait justifier le fait de perdre sa nationalité. Attenter à la vie d'un dépositaire de l'ordre public peut-il être considéré comme un acte d'une gravité comparable et comme une« atteinte aux intérêts de la nation », comme l'indique l'article 25 du Code civil (voir ci-contre) ? C'est la question qu'il faudra trancher.

Deux catégories de Français

Mais, « au-delà de la gravité des faits, c'est la nature de la peine qu'il faut envisager », souligne Guy Carcassonne, professeur de droit public à l'université Paris-X. « Peut-on condamner quelqu'un, aussi grave soit son crime, à perdre sa nationalité, c'est-à-dire une part de son identité ? » Dominique Rousseau, professeur de droit à l'école de droit de la Sorbonne, ne dit pas autre chose : « La déchéance de nationalité n'est pas un instrument de politique pénale. »

La proposition du gouvernement, quelle que soit la version définitivement choisie, instaure surtout une distinction de fait entre les Français naturalisés et les autres. Or l'article premier de la Constitution est clair : « La France […] assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine. » « Le projet du gouvernement est une remise en cause d'un des grands principes qui fondent l'identité de la France », souligne Dominique Rousseau.

Pour les défenseurs de la mesure, le durcissement de la législation ne serait qu'un simple retour à la situation qui prévalait avant la loi Guigou de 1998. La législation était même plus restrictive que ne l'envisage aujourd'hui le gouvernement, puisqu'elle permettait la déchéance de nationalité pour les personnes naturalisées depuis moins de dix ans et condamnées à des peines de plus de cinq ans d'emprisonnement. A cette époque, toutefois, le Conseil constitutionnel n'avait jamais eu l'occasion de se prononcer sur cette disposition. La question prioritaire de constitutionnalité, qui autorise désormais chaque justiciable à saisir les sages de la Rue Cambon, n'existait pas.

Des conditions très strictes

La déchéance de nationalité est encadrée par l'article 25 du Code civil. Elle ne peut intervenir qu'à la suite d'actes graves (atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, fait d'espionnage ou condamnation pour terrorisme depuis 1996).
La déchéance est très encadrée.

-Elle ne peut concerner que les Français par acquisition.
-Elle ne peut pas être prononcée si elle rend la personne apatride. Seuls les individus ayant une double nationalité peuvent donc être touchés par cette mesure.
-Seules les personnes naturalisées depuis moins de dix ans sont susceptibles d'être déchues de leur nationalité.
-La décision doit faire l'objet d'un décret motivé pris après avis conforme du Conseil d'Etat. Elle est susceptible de recours.



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La déchéance de la nationalité réservée aux meurtriers de policiers et gendarmes

Le Monde.fr, le 6 septembre 2010


Le discours de Grenoble, rien que le discours de Grenoble. Nicolas Sarkozy a tranché lors d'une réunion à l'Elysée sur la déchéance de la nationalité. Il a été décidé de "retirer la nationalité française, dans un délai de 10 ans après l'accession à la nationalité française, à ceux qui portent atteinte à la vie d'une personne dépositaire d'une autorité publique, en particulier les policiers et les gendarmes", selon un communiqué de l'Elysée publié lundi à 13 heures.

M. Sarkozy a donc désavoué le ministre de l'intérieur Brice Hortefeux, qui voulait la retirer aux polygames fraudant les prestations sociales."S'agissant de la polygamie, les sanctions pour fraude aux prestations sociales seront renforcées", se contente de dire le communiqué. De même, l'Elysée est prudent sur la fin de l'acquisition automatique de la nationalité française par les mineurs délinquants. Il a été décidé de conduire "une mission d'expertise (...)pour examiner les conditions d'une extension de la procédure d'opposition à l'acquisition de la nationalité aux mineurs condamnés à de la prison".

S'y ajoute la création d'une peine de prison de 30 ans incompressible pour les assassins de policiers et de gendarmes, la généralisation des peines planchers pour les auteurs de violences aggravées (commises en bandes ou à l'encontre d'une personne vulnérable ou envers un représentant de la force publique), l'élargissement des recours à la surveillance judiciaire par bracelet électronique "pour les multirécidivistes condamnés au terme de leur peine". La justice des mineurs sera renforcée avec la possibilité de "convocation directe des récidivistes devant le tribunal pour enfant". Enfin, les préfets verront leurs pouvoirs renforcés, "pour faire cesser l'occupation illicite de propriétés publiques ou privées et l'évacuation des campements illégaux".

"Ces nouvelles dispositions ont été élaborées dans le respect scrupuleux des principes républicains, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du droit européen, et doivent être mises en œuvre dans les mêmes principes", a assuré l'Elysée. Ces mesures seront soumises au Parlement dans la perspective d'une entrée en vigueur avant la fin de l'année 2010.

 

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Sarkozy veut restreindre le droit du sol

Les Echos, le 6 septembre 2010


Automaticité. Dans son discours du 30 juillet à Grenoble, le chef de l'Etat a souhaité que les mineurs délinquants nés en France de parents étrangers ne puissent plus accéder à la nationalité de façon automatique à leur majorité. Une décision devrait être prise aujourd'hui à l'Elysée. Si la proposition de Nicolas Sarkozy devait se concrétiser, ce serait une remise en cause du droit du sol, qui caractérise la législation française. De 1993 à 1998, cependant, cette automaticité avait déjà été battue en brèche par Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur. Les enfants nés en France de parents étrangers devaient se manifester auprès de l'administration avant leur majorité pour faire part de leur volonté de devenir français. Sans cette déclaration, l'acquisition de la nationalité n'était plus automatique. Si le chef de l'Etat impose ses vues, une personne née en France et ayant grandi en France pourrait être durablement privée de l'accès à la nationalité. Le ministre de l'Immigration a déjà proposé de s'inspirer du système en vigueur pour les conjoints étrangers de Français, auxquels le  Premier ministre peut refuser l'accès à la nationalité en cas de non-assimilation de la part de l'intéressé.




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