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Inciter les clandestins à dénoncer leurs passeurs est "dangereux" et "inefficace", selon les associations

Le Monde , le 5 février 2009

Une "excellente mauvaise idée". C'est ainsi que Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile, qualifie la circulaire signée jeudi 5 février par le ministre de l'immigration, Eric Besson. Inspiré d'une directive européenne d'avril 2004, ce texte permet aux préfets d'attribuer des titres de séjour provisoires de six mois minimum aux immigrés clandestins qui acceptent de dénoncer leurs passeurs. France terre d'asile a aussitôt dénoncé dans un communiqué un projet "spectaculairement inefficace", soulignant qu'une mesure similaire prise en 2003 par le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy envers les prostituées n'avait pas amélioré leur sort. Mais au-delà même de l'inefficacité du dispositif, c'est le "danger" qu'il fait courir aux clandestins acceptant de collaborer avec la police qui inquiète le directeur général de l'association : Conscient du risque inhérent à cette collaboration entre clandestins et services de police, Jean-Marie Bockel, membre du gouvernement et président de la Gauche moderne (parti allié à l'UMP), s'est dit "d'accord" avec le ministre de l'immigration à une condition : "que ceux qui osent soient protégés". "Il faut être efficace en leur permettant de ne pas être l'objet de représailles", a-t-il insisté.

"DÉLATION"

SOS-Racisme, qui demande également le retrait de la circulaire, dénonce pour sa part "une officialisation des pratiques de délation". Une inquiétude partagée par la Cimade, une association d'aide aux migrants et aux demandeurs d'asile. Sur France Info, son secrétaire général, Laurent Giovannoni, estime ainsi que le ministre de l'immigration joue avec des "symboles très dangereux". "Choqué" par l'argumentaire de ses détracteurs, Eric Besson a contre-attaqué jeudi devant la presse : "Les femmes battues qui portent plainte doivent-elles être accusées de délation ? Ces clandestins doivent-ils rester dans leurs caves pour ne pas qu'on les accuse de délation ?", s'est-il récrié. Une comparaison que réfute Violaine Carrère, chargée d'études au Gisti. Selon elle, cet amalgame entre "femmes battues" et "clandestins" vise à attribuer à l'ensemble des immigrés illégaux le statut de "victimes" et "à remettre en cause le bien-fondé de leur présence sur le territoire européen". "Certes, les clandestins sont victimes de la pauvreté, de la politique des visas, mais pas toujours des gens qui les ont fait passer en Europe", souligne-t-elle. En cas de condamnation effective des passeurs, précise la circulaire, le clandestin les ayant dénoncés pourrait obtenir une carte de résident de dix ans. "Qu'est-ce que cela signifie de faire dépendre de la condamnation d'un tiers l'obtention d'un titre de séjour ?, s'étonne Violaine Carrère. Cela n'a donc plus rien à voir avec les mérites de la personne, mais avec l'efficacité des services de police..."

UN PROBLÈME EUROPÉEN

Au-delà de la polémique, les associations regrettent une "sortie médiatique" qui ne s'attaque pas aux véritables causes de l'immigration clandestine. Pour Laurent Giovannoni, ce sont les politiques européennes "qui verrouillent complètement les possibilités d'accès légal au territoire européen et poussent les personnes à avoir recours à ces filières". Un argument également développé par le directeur général de France terre d'asile. Selon lui, c'est bien l'Union européenne qui "fabrique de l'illégalité". Il s'en prend notamment à l'adoption en 2003 du règlement Dublin II, qui renvoie la charge de l'accueil des migrants au premier pays par lequel ils sont entrés dans l'UE. Ce dispositif a créé des "bandes d'errants sur le territoire européen" livrés aux filières, explique Pierre Henry, qui appelle donc le ministre à s'attaquer aux causes structurelles de la clandestinité plutôt que de demander aux clandestins de faire eux-mêmes le ménage.

Sans-papiers : possibilité d'obtenir un titre de séjour contre coopération avec la police

AFP, le 5 février 2009

Le ministre de l'Immigration Eric Besson a signé jeudi à la préfecture de police de Paris une circulaire ouvrant la possibilité à des sans-papiers d'obtenir un titre de séjour en échange d'une "coopération" avec la police pour le démantèlement des filières clandestines.

"Lorsqu'un immigré clandestin est victime de proxénétisme ou fait l'objet d'une exploitation dans des conditions indignes et souhaite coopérer avec les autorités administratives et judiciaires, la possibilité d'obtenir une carte de séjour temporaire lui est ouverte", a déclaré Eric Besson à la presse à l'issue d'une visite à la préfecture de police de Paris.

Le ministre a ensuite expliqué que le sans-papier, une fois entendu par les services de police, disposerait ensuite d'"un délai de réflexion de 30 jours pour lui permettre de se soustraire à l'influence de ses exploiteurs et prendre sa décision de porter plainte".

Ce n'est qu'une fois cette décision prise, que "la victime pourra recevoir une carte de séjour temporaire" de 6 mois minimum, "renouvelable jusqu'à l'achèvement définitif de la procédure judiciaire", a-t-il dit.

"Si une condamnation effective est prononcée, a ajouté le ministre, la victime pourra obtenir une carte de résident de 10 ans".

Eric Besson a insisté auprès des policiers qui l'écoutaient, nombreux, qu'il serait proposé à ces immigrants clandestins "non seulement un titre de séjour mais aussi un accompagnement social renforcé".

Se déclarant "choqué" par le terme de "délation" employé la veille par certains commentateurs de la circulaire, M. Besson s'est récrié : "les femmes battues qui portent plainte doivent-elles être accusées de délation ? Ces clandestins doivent-ils rester dans leurs caves pour ne pas qu'on les accuse de délation ?".


   
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