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Une cathédrale sert de refuge à des milliers de Kikuyus au Kenya

Reuters, le 5 janvier 2008

ELDORET, Kenya - Près des ruines de l'église incendiée où trente des leurs ont péri carbonisés mardi dernier, des milliers de Kikuyus se sont réfugiés dans un autre lieu de culte, sous la protection d'un religieux appartenant à l'ethnie de leurs assaillants du jour de l'an.

L'évêque Cornelius Korir est un Kalenjin, une ethnie de la vallée du Rift dont de jeunes membres sont à l'origine du massacre de l'église de Kiambaa où s'étaient rassemblés des Kikuyus, l'ethnie du président Mwai Kibaki.

"J'ai essayé de dire aux gens qu'il n'y avait aucune différence entre nous. Je m'occupe de tous, quelle que soit leur tribu", dit l'évêque catholique qui a ouvert les portes de la cathédrale du Sacré-Coeur d'Eldoret à quelque 9.000 personnes fuyant les gangs kalenjins.

"En temps normal, nous coexistons. Mais alors intervient la politique, qui incite les gens (à la haine)", poursuit-il.

Eldoret n'est qu'à quelques kilomètres de Kiambaa, où des émeutiers ont bouclé mardi dernier les portes de l'église avant d'y mettre le feu. Trente Kikuyus ont péri dans les flammes.

Dans tout le Kenya, les violences post-électorales ont fait plus de 300 morts et 250.000 réfugiés. L'opposant Raila Odinga affirme que les résultats de l'élection présidentielle du 27 décembre ont été truqués par les autorités en faveur de Kibaki.

Les Kikuyus, principal groupe tribal du Kenya dont sont issus deux des trois présidents depuis l'indépendance, ont été les victimes de la colère et de la frustration des autres ethnies.

Attaques à la machette, habitations brûlées: les violences les plus graves se sont produites dans les zones à population mixte. Des convois armés ont dû être organisés pour évacuer des réfugiés.

RÉTABLIR LE DIALOGUE

A Eldoret, au coeur de la vallée du Rift, la communauté kikuyu avait déjà été par le passé la cible de représailles ethniques lors des élections de 1992 et 1997.

Si les violences semblent en recul dans le pays, l'hôpital Moi, établissement surpeuplé de la ville, voit encore arriver des blessés marqués de profondes entailles sur le corps.

Un homme portant de multiples balafres sur le crâne, certaines suppurant, gît inconscient. Un autre est pris d'une forme de délire et hurle en boucle "Nous sommes tous des Africains, nous sommes tous des frères créés par Dieu. Pourquoi nous battons-nous ?"

La police locale a démonté des barrages installés sur les routes par des gangs de jeunes gens ivres traquant les Kikuyus.

Les victimes en sont réduites désormais à évaluer les pertes dues à ces déchaînements de violence. "Ils ont brûlé ma maison, mes plantations, même mes chèvres. Je n'ai plus rien. C'est une guerre civile", dit Teresa Waitera, une sexagénaire.

A Kiambaa, sur les lieux du massacre de l'église, Joseph Kwasila, 37 ans, se désole: "Nous étions amis, ce sont nos voisins." Désignant de la main un bâtiment en ruines noirci par les flammes, il ajoute: "Ils buvaient de la bière et discutaient avec nous dans cette échoppe."

Dans la cathédrale du Sacré-Coeur, l'évêque Korir ne se contente pas d'abriter des Kikuyus. Il s'efforce aussi de rétablir un dialogue entre les communautés. "Nous avons déjà commencé. C'est un signe qu'ils se rassemblent lentement".


   
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