Le bilan des morts de l'offensive israélienne à Gaza, entrée dans sa 17e journée, a dépassé lundi le seuil des 900, a annoncé le chef des services d'urgence du territoire palestinien. Selon le docteur Mouawiya Hassanein, le bilan des tués a atteint 905 après la mort de 15 Palestiniens lundi matin. Parmi les morts, figurent 277 enfants, 95 femmes et 92 personnes âgées,a-t-il précisé. Plus de 3 950 Palestiniens ont en outre été blessés.
Des blessés d'un type nouveau – adultes et enfants dont les jambes ne sont plus que des trognons brûlés et sanguinolents – ont été montrés ces derniers jours par les télévisions arabes émettant de Gaza. Dimanche 11 janvier, ce sont deux médecins norvégiens, seuls occidentaux présents dans l'hôpital de la ville, qui en ont témoigné.
Les docteurs
Mads Gilbert
et Erik Fosse, qui interviennent dans la région depuis une vingtaine d'années avec l'organisation non gouvernementale (ONG) norvégienne Norwac, ont pu sortir du territoire la veille, avec quinze blessés graves, par la frontière avec l'Egypte. Non sans ultimes obstacles : "Il y a trois jours, notre convoi, pourtant mené par le Comité international de la Croix-Rouge, a dû rebrousser chemin avant d'arriver à Khan Younès
, où des chars ont tiré pour nous stopper" , ont-ils dit aux journalistes présents à Al-Arish .
Deux jours plus tard, le convoi est passé, mais les médecins, et l'ambassadeur de Norvège venu les accueillir, furent bloqués toute la nuit "pour des raisons bureaucratiques" à l'intérieur du terminal frontalier égyptien de Rafah, entrouvert pour des missions sanitaires seulement. Cette nuit-là, des vitres et un plafond du terminal furent cassés par le souffle d'une des bombes lâchées à proximité.
"A 2 MÈTRES, LE CORPS EST COUPÉ EN DEUX; À 8 MÈTRES, LES JAMBES SONT COUPÉES, BRÛLÉES"
"A l'hôpital Al-Chifa, de Gaza, nous n'avons pas vu de brûlures au phosphore, ni de blessés par bombes à sous-munitions. Mais nous avons vu des victimes de ce que nous avons toutes les raisons de penser être le nouveau type d'armes, expérimenté par les militaires américains, connu sous l'acronyme DIME
– pour Dense Inert Metal Explosive
" , ont déclaré les médecins. Petites boules de carbone contenant un alliage de tungstène, cobalt, nickel ou fer, elles ont un énorme pouvoir d'explosion, mais qui se dissipe à 10 mètres. "A 2 mètres, le corps est coupé en deux; à 8 mètres, les jambes sont coupées, brûlées comme par des milliers de piqûres d'aiguilles. Nous n'avons pas vu les corps disséqués, mais nous avons vu beaucoup d'amputés. Il y a eu des cas semblables au Liban sud en 2006 et nous en avons vu à Gaza la même année, durant l'opération israélienne Pluie d'été. Des expériences sur des rats ont montré que ces particules qui restent dans le corps sont cancérigènes" , ont-ils expliqué.
Un médecin palestinien interrogé, dimanche, par Al-Jazira, a parlé de son impuissance dans ces cas : "Ils n'ont aucune trace de métal dans le corps, mais des hémorragies internes étranges. Une matière brûle leurs vaisseaux et provoque la mort, nous ne pouvons rien faire." Selon la première équipe de médecins arabes autorisée à entrer dans le territoire, arrivée vendredi par le sud à l'hôpital de Khan Younès, celui-ci a accueilli "des dizaines" de cas de ce type.
Les médecins norvégiens, eux, se sont trouvés obligés, ont-ils dit, de témoigner de ce qu'ils ont vu, en l'absence à Gaza de tout autre représentant du "monde occidental" – médecin ou journaliste : "Se peut-il que cette guerre soit le laboratoire des fabricants de mort ? Se peut-il qu'au XXIe siècle on puisse enfermer 1,5 million de personnes et en faire tout ce qu'on veut en les appelant terroristes ?"
Arrivés au quatrième jour de la guerre à l'hôpital Al-Chifa qu'ils ont connu avant et après le blocus, ils ont trouvé un bâtiment et de l'équipement "au bout du rouleau" , un personnel déjà épuisé, des mourants partout. Le matériel qu'ils avaient préparé est resté bloqué au passage d'Erez.
"Quand cinquante blessés arrivent d'un coup aux urgences, le meilleur hôpital d'Oslo serait à la peine , racontent-ils. Ici, les bombes pouvaient tomber dix par minutes. Des vitres de l'hôpital ont été soufflées par la destruction de la mosquée voisine. Lors de certaines alertes, le personnel doit se réfugier dans les corridors. Leur courage est incroyable. Ils peuvent dormir deux à trois heures par jour. La plupart ont des victimes parmi leurs proches, ils entendent à la radio interne la litanie des nouveaux lieux attaqués, parfois là où se trouve leur famille, mais doivent rester travailler… Le matin de notre départ, en arrivant aux urgences, j ai demandé comment s'était passé la nuit. Une infirmière a souri. Et puis a fondu en larmes."
A ce moment de son récit, la voix du docteur Gilbert vacille. "Vous voyez , se reprend-il en souriant calmement, moi aussi…"
Gaza : Israël utilise des bombes au phosphore, selon HRW
AP, le 12 janvier 2009
L'armée israélienne a tiré des obus d'artillerie contenant du phosphore blanc, une substance incendiaire, sur des zones peuplées de la Bande de Gaza, dont un camp de réfugiés bondé, accuse l'organisation américaine de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch.
Des membres de l'ONG racontent avoir vu en fin de semaine dernière, depuis la frontière avec le territoire, des explosions d'obus au-dessus du camp de Jabaliya dégageant une fumée brûlante, signe de la présence de phosphore blanc.
Cette substance peut provoquer de graves brûlures en cas de contact avec la peau et déclencher des incendies au sol, rappelle HRW dans un communiqué. L'organisation appelle Israël à ne pas l'utiliser dans les zones densément peuplées de la Bande de Gaza. "La France s'associe à la demande faite par HRW aux autorités israéliennes de ne pas utiliser ces armes, du fait notamment de leur toxicité et de la densité de la population à Gaza", a déclaré de son côté lundi le ministère français des Affaires étrangères.
Le commandant Avital Leibovich, porte-parole de l'armée israélienne a refusé de confirmer l'utilisation par Israël de phosphore blanc, mais a affirmé que Tsahal "utilise des munitions en conformité avec le droit international".
HRW a précisé n'avoir aucun moyen d'enquêter pour savoir si des personnes ont été victimes de ces tirs, Israël ayant interdit à ses enquêteurs d'entrer dans l'étroite bande côtière. Des journalistes de l'Associated Press dans la bande de Gaza ont rapporté avoir vu dimanche plusieurs patients grièvement brûlés à l'hôpital Nasser, à Khan Younès, et dont les blessures pourraient avoir été provoquées par du phosphore, selon le médecin-chef.
Le phosphore blanc n'est pas considéré comme une arme chimique et les militaires peuvent l'utiliser, selon le droit international, dans les obus, bombes et roquettes pour créer des écrans de fumée destinés à masquer des mouvements de troupes, ou bien des explosions brillantes dans les airs pour illuminer un champ de bataille la nuit.
Israël n'est pas partie à la convention sur son usage. Mais en vertu des lois et coutumes de guerre, l'Etat hébreu est censé prendre toutes les précautions possibles pour minimiser l'impact du phosphore blanc sur les civils, souligne HRW.
"L'utilisation de phosphore blanc dans des zones densément peuplées comme un camp de réfugiés montre que les Israéliens ne prennent pas toutes les précautions possibles", accuse Marc Garlasco, un analyste de l'ONG. "C'est un risque inutile pour la population civile, non seulement à cause du risque de blessures mais aussi d'incendie de maisons et d'infrastructures."
Un photographe d'AP et une équipe de télévision basés à Gaza se sont rendus à l'hôpital Nasser dimanche et ont pris des images de plusieurs patients brûlés. L'un d'eux, Haitham Tahsin, a raconté qu'il se trouvait près de sa maison avec sa famille lorsque quelque chose a explosé en l'air. "J'ai vu des bombes et de la fumée blanche", a expliqué le blessé, brûlé au visage. "C'était très rouge avec de la fumée blanche. C'est la première fois que je vois une chose pareille."
Son cousin, allongé sur un autre lit d'hôpital, a été plus grièvement brûlé, sa peau se décollant par endroits de son visage et de son corps. Il portait d'épais bandages.
Selon le médecin-chef Youssef Abou Rish, les brûlures n'ont pas été provoquées par le feu, mais il n'a pas pu dire avec certitude ce qui les a produites. Des informations trouvées sur Internet laissent penser qu'elles pourraient avoir été causées par du phosphore blanc, a-t-il ajouté.
Israël avait utilisé du phosphore blanc durant la guerre du Liban à l'été 2006. L'armée américaine a également employé cette substance lors d'une opération en novembre 2004 contre des insurgés à Falloujah, en Irak .