TEL AVIV - Tout au long de son histoire, Israël a connu de grandes vagues d'immigration: depuis la création de l'Etat hébreu, plus de trois millions de Juifs originaires d'une centaine de pays sont venus s'y installer. Ce flux s'est aujourd'hui tari. Ceux qui font l'"aliyah" (la "montée", en hébreu, le fait d'immigrer en Israël), sont désormais plus rares et leurs motivations plus intimes.
Le retour vers la Terre promise avait commencé avant la naissance de l'Etat d'Israël, il y a 60 ans. En cinq grandes vagues, des Juifs d'Europe étaient venus s'installer en Palestine, fuyant les pogroms russes puis l'Allemagne nazie. Si bien que la population juive était déjà de 600.000 personnes en 1948.
Plus de trois millions les ont rejointes ensuite. Dans les années 1950, fuyant l'hostilité des pays arabes après la création d'Israël, 765.000 Juifs ont émigré d'Afrique du Nord et de divers pays du Moyen-Orient. Ensuite, des dizaines de milliers d'autres ont quitté l'Europe de l'Est communiste. Un autre million a gagné Israël lors de l'effondrement de l'Union soviétique.
A partir des années 1980, l'Etat hébreu a commencé à accueillir les Juifs d'Ethiopie, organisant notamment des ponts aériens en 1984 - en pleine famine - et en 1991. En tout, 80.000 falachas ont émigré. Mais ce fut la dernière grande vague.
Aujourd'hui, sur les plus de 13 millions de Juifs à travers le monde, 5,5 millions habitent en Israël aux côtés d'1,4 million d'Arabes. La population juive d'Israël a dépassé celle des Etats-Unis pour la première fois en 2006.
"Il n'y a aucun autre endroit dans le monde où le nombre d'immigrés est cinq fois supérieur au nombre de gens qui y étaient présents à l'origine. C'est sans précédent", observe Sergio DellaPergola, démographe à l'Institut de planification de politique du peuple juif, un groupe de réflexion de Jérusalem.
Cependant, ce temps semble bien révolu. "Nous avons amené tous ceux qui en avaient besoin et la situation des autres Juifs est assez bonne", relève M. DellaPergola. "Il n'y a pas beaucoup de détresse au sein de la diaspora aujourd'hui".
La communauté juive américaine est l'un des plus grands soutiens à Israël. Pourtant, seulement 120.000 Juifs américains ont fait le choix de l'aliyah.
"Je vais détruire un mythe", confie Ori Konforti, de l'Agence juive: "les vagues d'immigration ne se sont pas produites en raison du pouvoir d'attraction d'Israël mais plutôt en raison du pouvoir de répulsion des pays d'origine".
Les Juifs des pays prospères ne ressentent en effet pas un besoin pressant d'émigrer. En outre, il est aujourd'hui bien plus facile qu'auparavant d'avoir une double nationalité et de vivre entre deux pays, quitte à prendre souvent l'avion. Les nouveaux riches de Tel Aviv plaisantent à peine lorsqu'ils disent se rendre plus souvent à New York qu'à Jérusalem...
Israël affiche à présent un solde migratoire proche de zéro, ceux qui partent étant quasiment aussi nombreux que ceux qui arrivent, ajoute DellaPergola. Parmi les nouveaux arrivant se trouvent certes des sionistes convaincus mais aussi de plus en plus souvent des non-Juifs originaires d'Afrique ou d'Asie venus là pour travailler. Ou encore, depuis le moins dernier, une poignée de Juifs de Géorgie fuyant la guerre russo-géorgienne.
Et aujourd'hui, dans un pays qui a quelque peu perdu de sa confiance en soi, entre occupation des territoires palestiniens et dirigeants politiques considérés comme corrompus, le départ ("yeridah", la descente) a perdu sa charge symbolique négative, autrefois très forte: les Israéliens qui quittent leur pays pour aller étudier ou faire plus d'argent à l'étranger ne sont plus considérés comme des parias.