AFP, le 8 avril 2011
La peur monte au sein de la communauté rom de la petite ville hongroise de Hajduhadhaz à la nouvelle de l'arrivée imminente d'une milice d'extrême-droite.
"Ils sont déjà là, ils sont 700 dans la rue Radnoti", dit un homme, la cinquantaine, vêtu de haillons, à des Roms regroupés près d'un photographe de l'AFP.
En fait, la milice qui arrive à Hajduhadhaz - 12.000 habitants, dont 25% de Roms - ne compte "que" 200 personnes.
Dans ce petit bourg rural situé à quelques 230 km de Budapest, 20% de la population active est au chômage. Et la ville arrive en tête dans les statistiques de criminalité, du vol à l'étalage en passant par les cambriolages ou les meurtres.
Pour le parti d'extrême-droite Jobbik, les Roms font des coupables tout désignés. Et c'est ainsi que Hajduhadhaz est arrivé dans le collimateur d'une milice, baptisée "Un avenir meilleur", qui partage l'idéologie de ce parti entré au parlement hongrois en 2010 avec près de 17% des voix.
Le Jobbik a bâti son succès en attisant l'animosité entre les populations rurales roms et magyares, un travail de sape qui entrave l'intégration des Roms dont la Hongrie a fait l'une des priorités de sa présidence européenne.
Selon un de ses députés, Gergely Rubi, la milice ne vient que pour attirer l'attention de la police sur les problèmes : "il n'y aura pas de défilé, pas d'action cette fois. Nous serons présents par deux aux carrefours, calmement, pendant deux semaines".
"Nous sommes contre les criminels, et pas contre les Tziganes. Si les Roms l'interprètent d'une manière différente, c'est leur problème", lâche-t-il.
Le mois dernier, près de 2.000 miliciens vêtus d'un uniforme para-militaire ont passé des semaines à patrouiller les rues de Gyöngyöspata, un petit village du nord-est, avec l'objectif de "ramener l'ordre", disparu, selon eux, à cause des Roms.
"Le gouvernement est incapable de maintenir l'ordre et nous ne pouvons rien attendre des policiers, surchargés, qui de surcroît sont mal payés et peu nombreux", ajoute Gergely Rubi.
Les Roms en Hongrie, comme dans les autres pays de l'Europe centrale et orientale, sont les perdants de la chute du communisme. Ils avaient tous du travail il y a encore vingt ans, dans les coopératives géantes ou les grandes usines disparues ou modernisées depuis.
En 2008 et 2009, alors que la Hongrie se débat dans une crise économique, la communauté Rom a été victime d'une série d'attaques racistes, qui ont fait six morts - dont un petit garçon de cinq ans et son père abattus presque à bout portant alors qu'ils se précipitaient hors de leur maison incendiée - et qui ont semé la terreur parmi ses membres.
Après un meurtre à Hajduhadhaz en janvier, pour lequel des Roms sont suspectés par la police, la milice a décidé de renforcer sa présence dans la ville.
Le maire, Dénes Csafordi, aimerait certes voir plus de policiers: "Les gens ont peur, ne sortent pas la nuit, ferment les portes à clé et enclenchent leurs alarmes", dit-il à l'AFP. La police ne compte qu'une seule voiture de patrouille pour la ville...
Mais il voit d'un mauvais oeil l'arrivée de la milice : "Il est vrai que nous avons des problèmes de sécurité, mais ces étrangers débarquent sans invitation, et quand ils partent, ils laissent les problèmes tels qu'ils étaient", déclare-t-il.
"Il ne faut pas se laisser avoir, ils vont nous insulter et attendent que nous frappions, afin d'avoir une excuse pour nous battre!", déclare un Rom devant sa modeste demeure.
Pour Antal Szilagyi, un prêtre Rom respecté de la communauté, "le véritable but de la milice est l'intimidation et non de faire respecter l'ordre".