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Guinée : le président Lansana Conté est mort
AFP, mardi 23 décembre 2008
Le président de Guinée, le général Lansana Conté, est mort lundi soir à l'âge de 74 ans, après un long règne de 24 ans marqué par de sanglantes répressions et une gestion calamiteuse d'un pays classé parmi les plus pauvres du monde malgré un sous-sol très riche. Aussitôt après l'annonce du décès, dans la nuit de lundi à mardi, le Premier ministre Ahmed Tidiane Souaré a lancé, via la télévision d'Etat, un appel "au calme et à la retenue" aux "braves populations guinéennes", demandant le concours de l'armée pour assurer cette tranquillité. Aucun incident n'avait été signalé plus de deux heures après l'annonce du décès. Militaire de carrière, Lansana Conté était arrivé au pouvoir le 3 avril 1984, à la faveur d'un coup d'Etat, une semaine après la mort du premier président de la Guinée indépendante, Ahmed Sékou Touré. Depuis, il avait toujours pris appui sur les dirigeants de l'armée pour avoir la haute main, avec son clan, sur la vie politique et économique de ce pays ouest-africain. Et il s'accrochait au pouvoir, malgré ses maladies (une forme aiguë de diabète, une leucémie...) et une contestation de plus en plus vive. Son décès a été annoncé dans la nuit de lundi à mardi par le président de l'Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, aux côtés du chef d'état-major, le général Diarra Camara et du Premier ministre. Auparavant, tous les hauts responsables du régime s'étaient réunis au Palais du peuple (siège de l'Assemblée nationale), pour évoquer "la succession du président". "Nous avons le regret d'annoncer au peuple de Guinée le décès du général Lansana Conté, des suites d'une longue maladie, à 18H45" (locales et GMT), a déclaré M. Somparé, demandant officiellement au président de la Cour suprême de constater la vacance du pouvoir et de faire appliquer la Constitution. La gestion des affaires du pays doit alors revenir temporairement au président de l'Assemblée nationale, chargé d'organiser une élection présidentielle dans les 60 jours. Le chef du gouvernement, décrétant "un deuil national de 40 jours", a déclaré: "Les drapeaux seront mis en berne et le programme des obsèques nationales sera communiqués ultérieurement". "En cette douloureuse circonstance, j'invite les braves populations guinéennes - qui ont toujours fait preuve de dignité, chaque fois que nous affrontons ensemble de dures épreuves à travers notre histoire - au calme et à la retenue", a poursuivi M. Souaré, en poste depuis mai. Réputé proche du clan présidentiel, M. Souaré a ensuite appelé les forces de défense et de sécurité à "assurer la sécurité aux frontières et le calme à l'intérieur du territoire national". Début 2007, de grandes manifestations populaires hostiles au régime et aux "prédateurs de l'économie nationale" avaient été violemment réprimées: au moins 186 personnes avaient été tuées et 1.200 blessées. Les discours de condoléances des hauts dignitaires, évoquant le "regretté président", ne devraient pas beaucoup émouvoir les neuf millions d'habitants de la Guinée, dont 53% vivent au dessous du seuil de pauvreté. Les organisations non gouvernementales ont maintes fois dénoncé la "gestion calamiteuse" de la Guinée, minée par la corruption et classée parmi les pays les plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol (bauxite, fer, or, diamants...). Le mois dernier, plusieurs manifestations avaient eu lieu dans la capitale comme en province, notamment pour protester contre la cherté du carburant ou les coupures d'électricité. Selon l'organisation Human Rights Watch, la répression de ces manifestations avait abouti à la mort de "quatre" personnes "au moins", les forces armées ayant parfois tiré à balles réelles. Lansana Conté est resté sourd pendant 24 ans à la détresse de la Guinée AFP, le 23 décembre 2008 Le "général-président" Lansana Conté, mort à l'âge de 74 ans, s'est appuyé lors de ses 24 ans de pouvoir sur l'armée pour réprimer dans le sang une contestation grandissante, restant sourd à la détresse d'un peuple dont il affirmait pourtant vouloir "le bonheur". Ce militaire de carrière avait été porté au pouvoir par le coup d'Etat du 3 avril 1984, une semaine après la mort du "père de l'indépendance" Ahmed Sékou Touré. Son état de santé s'étant progressivement dégradé depuis 2002, il résidait souvent dans son village de Wawa (80 km au nord-ouest de Conakry) mais affirmait vouloir rester au pouvoir jusqu'à la fin de son mandat, en 2010. "Je suis le chef, les autres sont mes subordonnés" assénait-il en juin 2007, tout en assurant que "l'essentiel" pour lui, c'était "le bonheur du peuple de Guinée". Mais cette année-là, en janvier et février 2007, les grandes manifestations populaires hostiles au "système Conté" et aux "prédateurs de l'économie nationale" avaient été sévèrement réprimées: les ONG avaient dénombré 186 morts et 1.200 blessés. Et en novembre dernier, au moins quatre personnes ont été tuées, selon Human Rights Watch, dans la banlieue de Conakry agitée par des manifestations, où les forces de sécurité ont parfois tiré à balles réelles. Né en 1934 à Moussayah Loumbaya, non loin de Conakry, Lansana Conté est issu de l'ethnie des Soussou (représentant environ 20% des 9,6 millions d'habitants). Fils de paysan, rapidement devenu "enfant de troupe" après un passage à l'école coranique, il est formé à Bingerville ( Côte d'Ivoire ) et Saint-Louis (Sénégal). Incorporé en 1955 et envoyé en Algérie , il quitte l'armée française avec le grade de sergent lorsque la Guinée devient indépendante en 1958. Il participe en Guinée-Bissau à la guerre de libération contre les colons portugais et gravit les échelons de l'armée. Lorsque le coup d'Etat se produit dans la nuit du 2 au 3 avril 1984, le colonel Conté est porté au pouvoir parce qu'il est le plus gradé des putschistes. Succédant à Sékou Touré, leader progressiste devenu dictateur paranoïaque, il déçoit rapidement les espoirs des démocrates. Il prend définitivement appui sur l'armée pour asseoir son autorité, qui résistera notamment à une tentative de coup d'Etat en juillet 1985 et à une mutinerie de soldats meurtrière en février 1996. En 1990, il fait adopter une nouvelle Constitution prévoyant le multipartisme. Mais les élections ne seront jamais ni libres ni transparentes. Il est élu puis réélu président dès le premier tour en 1993 et 1998, lors de scrutins contestés par l'opposition et la communauté internationale. L'opposition boycotte le référendum de novembre 2001 sur la réforme constitutionnelle qui autorise une sorte de "présidence à vie", puis le scrutin présidentiel de 2003: le chef de l'Etat est alors réélu dès le premier tour avec 95,63% des voix, face à un unique adversaire. Pour gérer son pays ouest-africain, Lansana Conté a opté en 1985 pour le libéralisme économique, après 26 ans d'économie centralisée. Le président et ses proches ont cependant gardé la haute main sur les affaires de cette Guinée riche en minerais (bauxite, fer, or, diamants...) mais minée par la corruption et classée 160e sur 177 au classement du développement humain de l'ONU. "Le premier problème du pays est le président Conté lui-même et son clan. Sa vision militaire et prédatrice de l'exercice du pouvoir est anachronique", écrivait en juin l'organisation International Crisis Group (ICG), jugeant que son dernier mandat était "une catastrophe économique et sociale". L'ONG dénonçait "le vol systématique des ressources publiques dans les rouages de l'Etat guinéen sous Conté" et l'"infiltration présumée des forces de sécurité et de la garde présidentielle par des réseaux transnationaux de trafiquants de drogue". |
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