Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées vendredi en fin de matinée à Conakry sur l'esplanade de la grande mosquée, autour de dizaines de corps de victimes de la répression sanglante du 28 septembre, a constaté une journaliste de l'AFP.
La veille, un dignitaire religieux avait expliqué à la télévision nationale que les familles devaient venir identifier et chercher les corps à partir de 11 heures pour organiser l'inhumation. Aucun incident n'avait été signalé à 12 heures.
Des milliers de personnes, en majorité des jeunes, se sont également déplacées, difficilement contenues par un cordon de policiers anti-émeute. Plusieurs d'entre eux pleuraient, d'autres levaient le poing en signe de colère, comme Camara, 25 ans: " ils (les membres de la junte) veulent cacher la vérité, le nombre de morts, c'est plus que ça. Ils ont enterré nuitamment les corps. Ils sont venus pour tuer la population, Dadis n'a qu'à plier bagage ".
Les corps, enveloppés de linceul blanc, étaient exposés sur l'esplanade de la mosquée, sous des tentes.
Selon la junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, le bilan des violences de lundi est de 56 morts.
Mais l'Organisation guinéenne de défense des droits de l'Homme et l'ONU estiment que plus de 150 personnes ont été tuées lors de la répression de la manifestation pacifique de l'opposition.
Le chef de la junte accuse l'opposition
Un peu plus tôt dans la matinée, le capitaine putschiste était venu marquer le 51ème anniversaire de l'indépendance de la Guinée en se recueillant devant le monument des martyrs à Conakry. Les forces de sécurité étaient beaucoup plus nombreuses que les quelques centaines de badauds tenus à bonne distance.
Après la cérémonie, il s'est lancé devant la presse dans une violente diatribe contre les leaders de l'opposition accusés d'avoir, selon lui, mis en place " un système machiavélique " pour tenter de déclencher un mouvement d'" insurrection populaire ".
Interrogé sur les responsables du massacres de lundi, il a répondu: " Je ne dis pas que les forces de l'ordre n'ont pas tiré mais quels sont ceux qui ont occasionné" les violences?" Les leaders de l'opposition "poussés par la jalousie ont cherché à créer une situation pour ternir l'image du capitaine Dadis ", a-t-il ajouté, parlant de lui à la troisième personne.
Brefs incidents
En début d'après-midi, des jeunes ont commencé à lancer des pierres sur des gendarmes postés aux abords de la mosquée, puis des policiers ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène, a affirmé à l'AFP un journaliste local.
Un jeune d'une vingtaine d'année a déclaré de son côté à l'AFP: " Nous étions là en train de regarder les morts, ceux qui ont été assassinés par les militaires... On a vu les forces de l'ordre. On s'est révoltés. Ils ont jeté des gaz lacrymogènes sur nous. Tout le monde a quitté la mosquée ".
Le forum des forces vives (partis d'opposition, syndicats, société civile) avait demandé jeudi l'envoi d'une "force de paix" internationale.
La présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf a pour sa part demandé vendredi une "réunion d'urgence" de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) à propos de la crise en Guinée.