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Etrangers malades : les associations dénoncent des pressions sur des médecins

AP, le 9 novembre 2007

CLERMONT-FERRAND - Les étrangers malades, détenteurs ou non de la carte de séjour temporaire (CST) pour raison médicales en France, sont victimes d'un durcissement de la politique migratoire, selon des associations et syndicats qui dénoncent des pressions exercées sur des médecins inspecteurs de santé publique.

Dernier exemple en date : le non-renouvellement de l'agrément préfectoral de trois médecins-psychiatres exerçant à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). "A travers nous, on a compris que ce sont les malades qui étaient visés", expliquait jeudi matin lors d'une conférence de presse Christian Lachal, l'un des trois médecins psychiatres clermontois qui ont découvert le 16 octobre dernier, via un courrier de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) que leur agrément avait pris fin au 30 septembre 2007.

"Ce non-renouvellement est à l'image de ce qui se passe dans l'ensemble du pays", explique à Associated Press Arnaud Veïsse, le directeur du Comede (Comité médical des exilés). "La loi de mai 1998 est très protectrice à l'égard des étrangers malades", rappelle-t-il. "Mais depuis 2006, les pratiques d'un grand nombre de préfectures se sont durcies, avec des retraits de cartes de séjour temporaire en plus grand nombre, ce qui renvoie les étrangers malades vers une plus grande précarité et vers l'exclusion". Selon Arnaud Veïsse, les étrangers détenteurs de la CST ne représentent pourtant que 0,5% de la population étrangère vivant en France.

"Les préfectures dépendant des avis médicaux délivrés par des médecins inspecteurs de santé publique (MISP), qui eux-mêmes s'appuient sur les rapports médicaux rendus par les médecins agréés", explique-t-il. La décision des préfectures dépend donc de tiers "ce qui les rend méfiantes à l'égard des médecins, qu'elles soupçonnent bien souvent de certificats de complaisance".

Dans sa lettre adressée au ministre de la Santé le 28 septembre dernier, Brigitte Lacroix, la présidente du Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique ne dit pas autre chose: "nous sommes régulièrement alertés par des collègues MISP en DDASS qui se voient reprocher par leurs directeurs des pourcentages jugés excessifs d'avis positifs dans le cadre de la procédure dite 'étrangers malades'".

Interrogée par Associated Press, Brigitte Lacroix confiait que le climat ne s'était pas amélioré, même si le cabinet de la ministre de la Santé Roselyne Bachelot devait recevoir son syndicat à la fin du mois de novembre: "nous attendons de notre ministère un message de soutien".

A Clermont-Ferrand, les trois médecins psychiatres dont l'agrément n'a pas été renouvelé ont entamé une procédure de recours gracieux auprès du préfet du Puy-de-Dôme. Une requête symbolique pour l'un d'entre eux: le docteur Philippe Couderc est en effet praticien hospitalier et est donc de fait médecin agréé.

En revanche, les docteurs Christian Lachal et Hélène Asensi entendent bien aller jusqu'au bout de la procédure, soit jusqu'au tribunal administratif pour retrouver leur agrément. "Si la liste préfectorale comprend encore des psychiatres, ils sont tous hospitaliers. Or certains patients ne veulent pas se rendre à l'hôpital de peur d'être arrêtés s'ils sont en situation irrégulière", indique le Dr Lachal.

"Par ailleurs, nos patients vont devoir se tourner vers des confrères qui n'ont pas notre expérience de ces pathologies, de ces troubles psychologiques liés à des conflits intra-humains, s'inquiète Hélène Asensi. Consultant pour Médecins sans frontières en matière de santé mentale, ces trois médecins révoqués sont en effet reconnus notamment pour leur compétence en matière de santé post-traumatique (victimes de tortures, etc.).

Autre conséquence pour Christian Lachal, la désormais possible reconduite à la frontière de leurs patients à la frontière, "30 à 40 d'entre eux sont potentiellement concernés".

Le préfet du Puy-de-Dôme Dominique Schmitt n'entend pas revenir sur sa décision: "c'est un arrêté préfectoral qui se renouvelle tous les trois ans, c'était une décision non motivée qui se situe dans un contexte où l'agrément ne donne aucun droit acquis". "Je suis dans le cas où je dispose d'un pouvoir discrétionnaire, d'un pouvoir souverain", a-t-il expliqué à l'AP. "Ce sont des médecins qui n'avaient pas la neutralité nécessaire pour être agréés. Je leur ai donc retiré leur agrément et je ne le leur renouvellerai pas".

 

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