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L'armée intervient pour disperser une manifestation place Tahrir au Caire
AP, le 9 avril 2011
L'armée égyptienne est intervenue tôt samedi matin place Tahrir, dans le centre du Caire, dispersant à coups de matraque plusieurs centaines de manifestants encore présents pour réclamer la comparution en justice du président déchu Hosni Moubarak et sa famille.
Des témoins ont fait état de deux morts, une information non confirmée par d'autres sources. Selon la télévision publique qui cite le ministère de la Santé, on déplore un mort et 71 blessés.
Plusieurs dizaines de milliers d'Egyptiens s'étaient rassemblés vendredi sur la place emblématique, pour l'une des plus importantes manifestations depuis la chute du "raïs" le 11 février et l'arrivée au pouvoir du Conseil des forces armées. Les protestataires exprimaient la frustration croissante de la population face à la lenteur du pouvoir intérimaire à traduire en justice les membres de l'ancien régime et lutter contre la corruption.
Vers 3h du samedi, quelque 300 soldats sont intervenus, fondant sur un campement de tentes au centre de la place. Les manifestants avaient formé un cordon pour protéger plusieurs officiers qui avaient rejoint leur mouvement malgré les ordres de leurs supérieurs. Selon des témoins, les soldats ont tiré en l'air des coups de semonce et violemment frappé les manifestants, les traînant à l'écart avant de les jeter dans des fourgons.
Ali Moustafa, un mécanicien qui gardait la tente des "soldats libres", dit avoir vu un militaire porter un coup de baïonnette à l'un d'entre eux. Un autre manifestant a été tué par balle, a déclaré un témoin sur place, Ahmed Gamal, selon lequel deux autres personnes ont été gravement blessées par des tirs. Ces informations n'ont pas été confirmées.
"J'ai vu des femmes giflées au visage, frappées" par les soldats, a témoigné une manifestante, qui s'est réfugiée dans une mosquée proche.
Les militaires ont encerclé le bâtiment et des tirs ont été entendus pendant plusieurs heures, précisent des témoins qui ont fait état de plusieurs blessés par balles. Des manifestants tentant de fuir ont été stoppés près du Musée national par des soldats qui les ont jetés au sol et tabassés, selon un témoin, Loai Nagati.
L'armée a de son côté affirmé dans un communiqué que personne n'a été blessé ou arrêté. "Les forces armées soulignent qu'elles ne toléreront aucun trouble ou acte nuisant aux intérêts du pays et de la population", selon ce texte.
Trois véhicules, dont deux de transports de troupes, ont été incendiés. La place Tahrir étaient jonchée de verre brisé, de pierres et débris, scène rappelant les 18 jours de manifestations, sur cette même place, qui ont entraîné la chute de Hosni Moubarak.
Les manifestants, vendredi, ont réclamé que la justice s'en prenne à Moubarak et à ses fils pour corruption. "Tantaoui, protèges-tu Moubarak?", pouvait-on lire sur une banderole, à l'adresse du maréchal Mohammed Hussein Tantaoui, ministre de la Défense et chef du Conseil des forces armées. Des manifestants ont également demandé la démission du maréchal. "Tantaoui est Moubarak et Moubarak est Tantaoui", scandait-on notamment. "Maréchal, dis à tes soldats qu'on ne part pas", entendait-on samedi matin. Des manifestants, qui ont déroulé du fil barbelé autour d'eux, se trouvaient toujours sur place.
Depuis l'arrivée au pouvoir du Conseil des forces armées, les tensions se sont accrues entre la population et les militaires, au départ salués pour leur modération durant les manifestations de janvier.
Les militaires au pouvoir, qui démentent protéger le président déchu, ont annoncé jeudi l'interpellation de l'ancien directeur cabinet de Moubarak, Zakariya Azmi, le plus haut dignitaire arrêté à ce jour. Ils ont aussi fait savoir qu'un autre haut responsable, Safwat el-Sharif, ancien chef du parti au pouvoir, allait bientôt être interrogé, également pour des faits présumés de corruption.
Mais jusqu'à présent, aucune procédure n'a été lancée contre Hosni Moubarak ni ses fils, dont Gamal, homme d'affaires longtemps considéré comme son successeur potentiel. L'ancien président et sa famille sont depuis le 11 février en résidence surveillée dans un palais de Charm el-Cheikh, station balnéaire sur la mer Rouge.
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