En Égypte, le 6 avril, des manifestants qui exigeaient la fin de l'état d'urgence, en vigueur depuis 29 ans, ont été frappés à coups de pied, tabassés à coups de bâton et arrêtés au Caire par les forces de sécurité, selon ce que rapportent l'Institut du Caire pour les études sur les droits de la personne (Cairo Institute for Human Rights (CIHRS), le Réseau arabe d'information sur les droits de la personne (Arab Network for Human Rights Information, ANHRI), l'Organisation égyptienne de défense des droits de la personne (Egyptian Organization for Human Rights, EOHR) et Human Rights Watch. Au moins 93 manifestants ont été emmenés dans des camionnettes. Plusieurs journalistes ont aussi été agressés et leurs appareils saisis. Les journalistes, écrivains et blogueurs critiques continuent d'être censurés et jetés en prison à cause de leurs idées et de leur militantisme.
Avant ce jour, au nom du groupe du 6 avril, l'ANHRI a déposé un avis officiel à la Direction de la sécurité du Caire pour l'informer qu'une manifestation était prévue. Les autorités ont refusé le permis de manifester en vertu des pouvoirs que leur confère la loi d'urgence, qui permet d'interdire les manifestations, de censurer les journaux, de surveiller les communications personnelles et de détenir indéfiniment des personnes sans jugement. Lors de la revue du dossier de l'Égypte par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, l'Égypte a accepté de mettre fin à l'état d'urgence, qui arrive à expiration en mai.
La police de la sécurité a fait un effort coordonné afin d'empêcher les manifestants de se rassembler au square Tahrir du Caire. « Des camionnettes de la sécurité centrale étaient stationnées bien en vue dans plusieurs rues de grande largeur, et le square était rempli de policiers de l'escouade anti-émeute et de groupes d'agents de sécurité en civil à chaque coin de rue et aux sorties du métro », rapporte Human Rights Watch.
Les manifestants n'ont pas eu la possibilité de se rassembler, et les policiers anti-émeute et les agents de sécurité ont attaqué les manifestants avant que la manifestation n'ait pris son élan, dit l'ANHRI. « Au moins 21 personnes ont été traînées dans la rue, passées à tabac et rouées de coups de pied, puis traînées dans le garage d'un immeuble, le Centre du Caire. On pouvait entendre des cris en provenance du garage », rapporte Human Rights Watch.
D'autres personnes ont été agressées pendant qu'elles tentaient de scander des slogans. « Ils m'ont frappé au visage jusqu'à ce que je tombe par terre. Ils ont battu une amie à moi au bras jusqu'à le lui casser », a déclaré un manifestant à Human Rights Watch.
Les journalistes étaient visés de manière spécifique. Des agents de sécurité en civil ont frappé un journaliste étranger à coups de poing et à coups de pied, et ont agressé sexuellement une journaliste, rapporte Human Rights Watch. Le journaliste égyptien Hisham Omar Abdel Halim, du journal indépendant « Al-Masry Al-Youm », et d'autres journalistes indépendants ont été arrêtés brièvement, leurs cartes de presse et leurs caméras vidéo ont été confisquées, indique Reporters sans frontières (RSF). Les caméramans d'Al Jazeera ont été fouillés et leurs séquences vidéo leur ont été retirées. Les manifestants ont déclaré que leurs téléphones mobiles, utilisés pour prendre des photos ou filmer des séquences vidéo, ont été saisis par la police.
Les manifestants demandaient en outre des changements pour garantir l'intégrité et l'impartialité des élections présidentielles et parlementaires à venir, des amendements constitutionnels permettant des élections présidentielles compétitives entre une palette de candidats indépendants, et des limites au mandat du président. Le groupe des militants du 6 avril fait campagne en faveur de la Coalition nationale pour le changement, à la tête de laquelle se trouve le candidat à la présidence Mohamed ElBaradei, l'ancien dirigeant de l'Agence internationale de l'Énergie atomique, qui relève des Nations Unies.
Les forces de sécurité ont, le 21 mars, procédé illégalement à la fouille du domicile d'une militante, ont fracturé le bras de sa mère et menacé d'arrêter et de torturer toute sa famille si elle poursuivait son militantisme, indique Human Rights Watch. D'autres militants ont été détenus sans jugement pendant plusieurs jours avant la tenue de la manifestation.
« Dans le but d'assurer le monopole du parti au pourvoir, la répression ne fera que s'accentuer à mesure que l'on s'approchera des élections parlementaires de cette année et des élections présidentielles de l'an prochain », a fait valoir le CIHRS.
L'Union internationale des éditeurs (UIE) rapporte pour sa part qu'un éditeur égyptien, Ahmed Mahana, a été arrêté le 3 avril et relâché quelques jours plus tard pour avoir publié un livre qui s'intitule « ElBaradei et le Rêve de la Révolution verte » et qui appelle à des changements politiques dans le pays. Le domicile de Mahana a reçu la visite de la police et des exemplaires du livre ont été saisis.
Mosad Soleiman, blogueur, romancier et militant connu en ligne sous le nom de Mosad Abu Fagr, qui traite sur son blogue de questions sociales et politiques, « Wedna N'ish » (Nous voulons vivre) est détenu depuis février 2008, selon ce que rapporte le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).