RTWArchives
 
 

Plan du site
Sommaire
Archives



Articles sur le site de Réseau Education Sans Frontières

 

 

 

Vives réactions après la garde à vue d'une directrice d'école

Le Monde, le 24 mars 2007

Le placement en garde à vue pendant six heures, vendredi 23 mars, d'une directrice d'école parisienne, a provoqué de très vives réactions dans le monde politique et syndical. Directement ou par l'intermédiaire de leur porte-parole, les candidats à l'élection présidentielle, Arlette Laguiller, Olivier Besancenot, José Bové, Marie-George Buffet, Dominique Voynet, Ségolène Royal et François Bayrou ont tous protesté. Pour sa part, Nicolas Sarkozy a indiqué : "Il n'y a vraiment pas de quoi faire une polémique" .

À l'heure de la sortie des classes, de violents incidents étaient survenus mardi, aux abords de quatre écoles du quartier de Belleville (19 e arrondissement de Paris), entre des policiers ayant interpellé un grand-père chinois sans papier venu chercher ses petits-enfants et des parents d'élèves. Selon les militants du Réseau éducation sans frontières (RESF), les policiers ont fait usage de chiens et de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants venus s'opposer à l'interpellation.

Valérie Boukobza, directrice de l'école maternelle Rampal, a été convoquée au commissariat avant d'être placée en garde à vue, vendredi matin, pour "outrage" et "dégradation volontaire de bien public en réunion" . Deux hommes ont également été placés en garde à vue pour "incitation à l'émeute" . Dans l'après-midi, le parquet de Paris a ordonné la remise en liberté des trois adultes.

Selon le parquet, une voiture de police a été endommagée et un policier s'est vu prescrire dix jours d'interruption de travail. Mme Boukobza s'était interposée entre parents et policiers. "Je conteste les faits qui me sont reprochés" , a indiqué l'enseignante, très choquée, dans un communiqué publié dans la soirée. Mme Boukobza a accepté le conseil de l'avocat William Bourdon. Selon ce dernier, "les interpellations à la sortie des écoles représentent un franchissement de ligne jaune. Cela ne peut que susciter une indignation citoyenne" .

Le ministre de l'intérieur a affirmé que la garde à vue de l'enseignante relevait d'une "décision de justice" prise par un procureur "indépendant" . Comme l'exige la procédure, les policiers sont intervenus dans le quartier de Belleville dans le cadre des très nombreuses réquisitions signées par le procureur à la demande des services de police. Ces réquisitions couvrent une certaine zone géographique ainsi que des plages horaires, et visent certaines infractions.

Le parquet de Paris n'a cependant pas caché son agacement, vendredi. La préfecture a renvoyé toute communication sur les événements aux services du procureur. Mais les contrôles d'identité menés à Belleville mardi ne relevaient pas d'une demande précise du parquet.

"Nous dénonçons ces méthodes d'un autre âge pour traquer les sans-papiers : guets aux abords des Restos du coeur ou à la sortie des écoles devant des enfants" , s'est indigné Julien Dray, porte-parole de la candidate socialiste, tandis que Jack Lang écrivait à Nicolas Sarkozy pour lui demander de mettre un terme à "cette atteinte aux droits humains qui déshonore notre pays" .

Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a adressé un courrier au premier ministre Dominique de Villepin , jugeant "inacceptable d'organiser des formes "d'embuscades" près des établissements scolaires afin d'interpeller des personnes qui viennent y chercher leurs enfants" . Pour M. Delanoë, "rien, pas même la période électorale en cours, ne saurait justifier de tels agissements" .

Marie-George Buffet a jugé "révoltante cette arrestation" , tandis que Dominique Voynet et Olivier Besancenot accusaient directement celui qui est encore jusqu'à lundi ministre de l'intérieur. "C'est à l'un des derniers refuges des valeurs de la République - l'école - que le ministre candidat de l'UMP s'attaque en posant la dernière pierre de son action au sein de ce gouvernement", a notamment critiqué la candidate écologiste.

La FSU, l'UNSA, le Syndicat de la magistrature, le MRAP, SOS-Racisme, Droit au logement et Droits Devant se sont joints à ces protestations.

Le cabinet du ministre de l'intérieur a décidé, en fin de journée, de renouveler ses instructions adressées aux préfets le 14 septembre : un télégramme a appelé "à nouveau tout particulièrement (leur) attention sur le fait que l'exécution des mesures d'éloignement (...) ne doit en aucun cas donner lieu à des interpellations (...) dans l'enceinte ou à proximité immédiate d'un établissement scolaire".

Vendredi soir, les parents d'élèves qui s'étaient réunis devant le commissariat pendant la garde à vue de la directrice, indiquaient ne pas s'en expliquer les motifs. "Pourquoi elle, plus qu'un autre, nous ne comprenons pas, relevait l'un de ses homologues du groupe scolaire Rampal-Lasalle. Elle a protégé les enfants comme nous l'avons tous fait. Et en s'interposant, en tant que directrice, pour calmer le jeu, elle était dans son rôle."

Plusieurs parents, qui souhaitaient déposer plainte au commissariat du 19 e arrondissement, ont été renvoyés sur l'Inspection générale des services (IGS). Ils ont appelé, avec les collectifs de soutien aux enfants de sans-papiers, à un rassemblement, lundi 26 mars, devant les locaux de l'IGS.

 

Haut