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Chine : les victimes d'avortements forcés commencent à parler

AP, le 30 août 2007

QIAN'AN, Chine - Dans une Chine qui pratique la politique de l'enfant unique, des responsables du planning familial usent de tous les moyens pour remplir leurs objectifs. Mais les Chinois parlent de plus en plus, comme Yang et Jin, un couple qui ne s'est jamais remis d'un avortement forcé il y a sept ans et a fini par porter plainte.

A l'époque, Yang Zhongchen, un petit commerçant, avait invité à dîner trois représentants des autorités pour obtenir l'autorisation de devenir père. Mais quelques semaines avant la date de l'accouchement, son épouse a été emmenée de force dans une clinique, où, dit-elle, son bébé encore en elle a été tué par injection.

"Plusieurs personnes m'ont tenue, ils ont arraché mes vêtements et le docteur m'a enfoncé une grande aiguille dans le ventre", raconte Jin Yani, jeune femme timide et menue. "C'était très douloureux."

Sept ans après la mort de son bébé, extrait ensuite de son corps avec des forceps, Jin reste traumatisée. Selon un médecin, elle ne peut plus avoir d'enfant. Le couple a fait le tour des administrations pour demander réparation, en vain.

Cette année, ils ont engagé des poursuites contre le planning familial, une démarche inhabituelle en Chine. Les juges leur ont donné tort, affirmant qu'ils avaient conçu en dehors des liens du mariage. Le planning familial a affirmé que Jin était consentante pour subir un avortement. Le couple a fait appel de la décision.

Trois décennies après l'instauration de la politique de l'enfant unique, l'intrusion courante et parfois brutale des autorités dans les questions familiales suscite toujours le ressentiment dans la population. Non seulement de nombreuses deuxièmes grossesses sont interrompues mais le simple fait d'avoir un premier enfant nécessite une autorisation.

Cette politique s'applique à la plupart des familles, et les autorités locales, souvent sous pression pour respecter les quotas de naissance fixés par le gouvernement, peuvent se montrer sans pitié avec les couples en infraction.

Mais dans la nouvelle Chine économiquement puissante et plus ouverte aux influences extérieures, des citoyens comme Yang et Jin, osent de plus en plus parler. Ils peuvent compter sur le soutien de militants et d'avocats, qui ont recensé des cas d'avortements forcés au 7e, 8e ou 9e mois de grossesse.

De nombreux pays interdisent l'avortement après 12 ou parfois 24 semaines de grossesse, sauf si la vie de la mère est en danger. En Chine, la loi interdit l'avortement forcé, mais pas expressément l'avortement tardif.

Jin avait 18 ans lorsqu'elle a rencontré Yang, qui en avait 30, en 1998. Début 2000, ils ont découvert qu'elle était enceinte, et se sont mariés quelques mois plus tard lorsqu'elle a atteint l'âge légal (20 ans) pour épouser Yang.

Mais ils n'avaient pas encore le document les autorisant à avoir un enfant... Un mois avant la date prévue de l'accouchement, Yang a alors cherché à s'attirer les bonnes grâces du patron d'un bureau de quartier du planning familial à Anshan, la ville où vit le couple, à 300 kilomètres à l'est de Pékin, et d'autres responsables locaux. Lors d'un repas qu'il leur a offert, ils se sont montrés amicaux et bien disposés à son égard, selon Yang.

Mais trois semaines plus tard, Jin était contrainte d'avorter. L'un des avocats de Yang, Wang Chen, estime que l'issue aurait été différente si un pot-de-vin avait été versé. "Un dîner ne suffit pas, explique-t-il, rien ne peut se faire sans un pot-de-vin, c'est comme ça en Chine. Yang a été trop naïf".

Selon Zhai Zhenwu, professeur de sociologie à Pékin, les avortements tardifs forcés, s'ils se produisent encore de façon sporadique, ont fortement baissé. Reste que Radio Free Asia a rapporté cette année que des dizaines de femmes dans une petite ville de la province de Guangxi (sud), ont été forcées d'interrompre leur grossesse.

Yang et Jin réclament en justice 290.000 yuans (28.000 euros) en frais médicaux et un million de yuans (95.000 euros) pour leur souffrance morale. Ce n'est pas une question d'argent assure Yang, qui n'ayant plus les moyens de gérer son commerce travaille aujourd'hui comme journalier à Qian'an, une ville minière à l'est de Pékin. "Je veux un enfant et je veux que le tribunal reconnaisse notre souffrance", explique-t-il.
   


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