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  Vingt ans après Chico Mendes, les meurtres de défenseurs de l'Amazonie se poursuivent     
 

AP, le 23 décembre 2008

Vingt ans après l'assassinat de Chico Mendes, les défenseurs de l'Amazonie continuent à se faire assassiner au Brésil. Des crimes rarement punis et dont les commanditaires, riches éleveurs ou encore exploitants forestiers, ne sont pas réellement inquiétés par la justice.

Plus de 1.100 défenseurs du "poumon vert" de la planète -petits paysans, juges, prêtres et travailleurs ruraux- ont été tués dans des conflits liés à la préservation de la forêt depuis l'assassinat de Mendes, le 22 décembre 1988, selon la Pastorale catholique de la terre (CPT).

Moins d'une centaine de ces meurtres ont donné lieu à un procès. Et ce sont surtout des hommes de main - 80 au total- qui ont été condamnés, précise la CPT, fondée par l'Eglise catholique pour lutter contre la violence et le partage inéquitable des terres. De simples exécutants, au service de riches éleveurs et de puissants exploitants forestiers cherchant à étendre leurs terres, souligne la Pastorale. Une quinzaine de commanditaires ont certes été reconnus coupables, mais aucun ne purge la moindre peine actuellement.

"Dans l'Amazonie, au coeur de la forêt, loin de l'Etat, des villes et des institutions, vous n'avez rien", souligne Andre Muggiati, un membre de Greenpeace basé à Manaus. "Parfois tout ce que vous avez c'est le pouvoir d'une arme à feu."

Mendes n'était pas le premier avocat de la forêt brésilienne assassiné, mais sa renommée était mondiale. Il a d'abord fondé un syndicat pour lutter dans sa région de Xapuri (Etat d'Acre) contre la destruction des hévéas, arbres dont les "seringueiros" recueillent le latex dans des plantations. Sa croisade s'est ensuite étendue à la préservation de l'Amazonie.

Sa mort fit la "une" des journaux du monde entier. L'éleveur Darly Alves da Silva et son fils Darci ont été condamnés pour l'assassinat du célèbre militant, qui avait voulu les empêcher de déboiser une parcelle de forêt pour la transformer en pâturages. Ils ont été libérés après avoir purgé un tiers de leur peine de 19 ans de prison.

Au moment de sa capture, Darly Alves, qui avait appuyé sur la détente, avait déclaré à un journal: "Un jour je lui ai dit que si je voulais le tuer, je le ferais en pleine rue. 'Il est facile de te tuer', je lui ai dit."

Les choses n'ont guère changé depuis, comme l'a par exemple montré le meurtre en 2005 de Dorothy Stang, une nonne catholique native de Dayton, aux Etats-Unis, abattue alors qu'elle luttait pour la préservation de terres dans l'Etat de Para. Son meurtrier est sous les verrous, mais les éleveurs accusés d'avoir commandité le crime restent en liberté.

"La police rechigne à mener l'enquête, à protéger les militants lorsqu'ils sont menacés, et donc ça continue", souligne Patrick Wilcken, un spécialiste du Brésil à Amnesty International.

Felicio Pontes, procureur dans le Para pendant 12 ans, souligne que le système juridique permet aux accusés de faire cinq fois appel. Les procès sont retardés pendant des années, des témoins décèdent et des preuves se perdent.

"Il n'y a jamais de jugement définitif au Brésil", assure M. Pontes. "Au mieux, chacun de ces appels peut prendre trois ans. Les seules personnes jugées rapidement et envoyées en prison sont les pauvres: ils n'ont pas d'argent pour payer les avocats."

Selon Elenira Mendes, la fille de Chico, l'attention internationale autour de la mort de son père a favorisé des changements concrets dans son Etat d'Acre, qui enregistre aujourd'hui le plus faible taux de meurtres de militants de toute l'Amazonie, selon la CPT.

D'anciens compagnons de route de Mendes ont conquis le poste de gouverneur de l'Etat ou d'autres mandats électifs locaux. La fille d'un "seringueiro" d'Acre, Marina Silva, a même été ministre de l'Environnement jusqu'au printemps dernier.

Malgré tout, la destruction de l'Amazonie se poursuit. Le nouveau système de cartographie du gouvernement brésilien révèle une progression de 66% en un an des zones partiellement détruites en 2008.

 

   

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