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Guinée : Lansana Conté décrète l'état de siège

AFP, le 13 février 2007

CONAKRY - Le président Lansana Conté a décrété lundi soir un état de siège extrêmement contraignant en Guinée, où plus d'une centaine de personnes ont été tuées depuis début janvier lors d'affrontements entre forces de l'ordre et manifestants exigeant son départ.

Cet état de siège prévoit notamment un couvre-feu de 20 heures sur 24, l'interdiction de "cortèges, défilés et manifestations" ainsi que des "réunions publiques ou privées propres à provoquer ou entretenir le désordre".

"Des perquisitions de jour et de nuit" sont désormais autorisées et de très sévères restrictions sur la presse sont instaurées.

Le chef de l'Etat, âgé de 72 ans et au pouvoir depuis 23 ans, a demandé à l'armée de "prendre toutes les dispositions" pour éviter "une guerre civile" lors d'une brève intervention radio-télévisée au terme d'une journée au cours de laquelle au moins 18 personnes ont été tuées "Les destructions et les pertes en vies humaines" depuis le début de la crise politico-sociale qui secoue la Guinée depuis le 10 janvier "sont telles que je suis amené à décréter l'état de siège sur toute l'étendue du territoire national", a déclaré le président guinéen.

Avant même l'instauration de cette mesure restreignant l'ensemble des libertés, la communauté internationale, notamment la France, l'Union africaine et l'ONU, avait exprimé leurs vives inquiétudes devant la rapide dégradation de la situation dans ce pays paralysé depuis la reprise lundi d'une grève générale illimitée.

"Il ne pense pas au pays. Lorsque tout un peuple se lève contre toi, tu dois lui offrir quelque chose", a déclaré M. Bâ, président de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et porte-parole d'un groupe de 14 partis d'opposition. "Il n'a pris aucune précaution pour sceller la réconciliation avant de prendre un tel décret. Il n'a pas présenté de condoléances aux familles éplorées. Il est dégoûtant", s'est-il exclamé.

L'intervention musclée du chef de l'Etat intervient après une nouvelle journée de violences dans ce pays pauvre d'Afrique de l'ouest, qui compte 9,4 millions d'habitants. Le nombre total des morts depuis le début des troubles le 10 janvier est de 104.

Au moins 18 personnes ont été tuées lundi: onze dans différents quartiers de la banlieue et au moins sept dans l'extrême sud du pays, près de la frontière libérienne, dans les villes de Nzérékoré (quatre morts) et Macenta (trois morts), selon des témoins. Les sept ont été tués par les forces de l'ordre.

Des premières dissensions étaient en outre apparues lundi au sein de l'armée, socle sur lequel repose le pouvoir du chef de l'Etat, arrivé à la présidence à la faveur d'un coup d'Etat militaire en 1984 et qui a le grade de général. Des tirs nourris ont été entendus pendant plusieurs heures en provenance du camp militaire Alpha Yaya, à proximité de l'aéroport de Conakry en Guinée, avant de baisser d'intensité en fin d'après-midi, selon des témoins.

Selon plusieurs témoignages, ces tirs sont le fait de jeunes soldats mécontents qui se sont emparés de fusils dans une armurerie du camp pour protester contre l'arrivée récente à Conakry d'hommes armés en provenance du Liberia et la récente promotion d'officiers de l'armée. La dégradation de la situation s'est accompagnée d'un isolement progressif du pays, les compagnies aériennes annulant leurs vols vers Conakry, notamment Air France, Air Sénégal International et Air Ivoire.

La presse a également été touchée. Les locaux d'une radio privée guinéenne ont été saccagés lundi par des membres de la garde présidentielle qui ont arrêté un journaliste et un technicien et les ont conduits dans un poste de gendarmerie, a indiqué le directeur de la radio Cheikh Fantamady Condé.

Deux autres radios privés, Familia FM et Radio Soleil FM, ont fermé après avoir reçu des menaces anonymes par téléphone, selon des journalistes des deux stations. Seule Radio Nostalgie continuait à émettre dans la soirée.

La réception de Radio France Internationale (RFI) à Conakry étaient par ailleurs interrompue depuis samedi. Mais lundi soir, les émissions de la radio ont repris, a constaté un correspondant de l'AFP.