La Commission des Recours des Réfugiés (CRR) est une juridiction administrative, fondée en 1952 pour application de la convention de Genève de 1951, habilitée à statuer sur le rejet d'une demande d'asile de l'OFPRA (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides) et à accorder un statut de protection au requérant. Au premier semestre 2004, le taux d'annulation des décisions de l'Ofpra a atteint 12,3 %.
Effectuer un recours…
Les demandeurs d'asile ont un mois après réception de la décision de rejet de leur dossier par l'OFPRA pour effectuer un recours auprès de la CRR (cette demande doit être rédigée en français). Ils peuvent, et cela est généralement nécessaire, demander l'assistance d'un avocat en vu d'assurer la défense de leur dossier devant la Commission. Peu d'entre eux peuvent prétendre à l'aide juridictionnelle (l'AJ), cette dernière n'étant consentie que sous certaines conditions aux demandeurs d'asile. La loi de 1991 relative à l'aide juridique dicte les limites suivantes : « Devant la commission des recours des réfugiés, elle (l'AJ) est accordée aux étrangers qui résident habituellement et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée de validité au moins égale à un an » (1). En pratique, seuls les demandeurs d'asile munis d'un passeport et d'un visa ou d'un sauf conduit délivré à la frontière peuvent en bénéficier. La plupart essaient donc de rassembler l'argent nécessaire afin de payer les frais d'honoraires d'un avocat les assistant à l'audience de la Commission (500 € à 1 000 € par personne). Est-ce par mépris à l'égard de ces clients étrangers ou le fait d'une tradition d'indifférence dans la pratique de ce métier, cela est difficile à trancher mais les demandeurs d'asile sont souvent révoltés par leur manque de sérieux (méconnaissance de leur dossier et des situations dans leur pays).
A ces frais s'additionnent le prix du trajet aller-retour pour se rendre à la convocation de la CRR située à Montreuil sous Bois (93) pour être auditionné et souvent celui d'une nuit d'hôtel ; l'allocation (2) attribuée aux demandeurs d'asile (limitée à un an), elle, ne s'élevent qu'à 280 €/mois par adulte…
A la CRR…
Fin janvier, le personnel de la CRR a protesté contre ses conditions de travail et dénoncé celles de l'examen des recours. Le gouvernement, fidèle à sa politique vis à vis du droit d'asile et futur responsable d'une augmentation importante du nombre de sans papiers ("les déboutés"), a fixé des objectifs sans réels moyens créant un véritable chaos. Près de 600 personnes défilent dans les locaux de Montreuil chaque jour et l'examen correct de chaque cas est concrètement impossible. Face à cette situation, une partie du personnel, regroupée en coordination nommée «Droit d'asile en danger», s'est mise en grève. Ci-dessous, un communiqué de presse de la coordination publié en février :
« La Commission des Recours des Réfugiés est aujourd'hui la première juridiction française en terme d'affaires jugées... Pour répondre à l'objectif qui vise au déstockage de 100 000 dossiers en souffrance dans un délai d'une année, les moyens sont insuffisants. Une partie du personnel qui compte aujourd'hui 70% de contractuels proteste en faisant grève depuis jeudi 27 janvier contre ces impératifs de productivité, préjudiciables à un traitement équitable de la demande d'asile. Les avocats se sont associés aujourd'hui à la grève, ce qui est un événement sans précédent dans l'histoire de la juridiction. Outre des séances de jugement qui continuent d'être annulées, de nombreuses affaires ont été renvoyées ce jour. Tous ensemble nous réclamons des conditions de travail décentes et un accueil digne des demandeurs d'asile. Depuis le déménagement de la Commission (les effectifs ayant été multipliés par quatre), les demandeurs sont accueillis dans des conditions inacceptables. Les rapporteurs sont privés des outils d'information indispensables à une bonne instruction des dossiers (accès internet, fiches pays périmées, centre de documentation surchargé). Les audiences se déroulent dans des conditions souvent difficiles (places assises limitées, bruit, demandeurs assis par terre). Alors qu'ils sont souvent plus d'une trentaine, les interprètes ne disposent que d'un hall aménagé sommairement avec des paravents pour toute séparation… ».
La grève (grève du 27 janvier 2005 au 11 février 2005) est terminée… des négociations auraient eu lieu (budget, matériel supplémentaire…).
Outre de démontrer que la grande croisade étatique de xénophobie est loin de faire l'unanimité au sein du personnel concerné, cette grève a permis d'informer sur une situation de misère administrative savamment finalisée.
(Publié dans le journal "Demandeur d'asile", mars 2005)
1. La France, lors de discussion sur la mise en place de procédures communes d'asile dans l'Union Européenne, s'est opposée au droit pour tout demandeur d'asile à l'aide juridictionnelle ainsi qu'au caractère systématique des entretiens.
2. Cette allocation est remplacée par une aide financière en cas d'hébergement en CADA (Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile).
CRR
Lois de l'arbitraire
Certains dossiers peuvent être rejetés simplement par ordonnance sans réel examen ni audition du demandeur si les présidents de section de la CRR estiment qu'aucun élément sérieux ne justifie de contester un refus de l'Ofpra, depuis la loi Sarkozy/de Villepin du 10/12/2003. Ces rejets concernent également les envois de dossier tardifs, ou non rédigés en français.
Décret du 14/08/2004 :
- Le président de l'Ofpra peut saisir le Conseil d'Etat afin d'annuler une décision de la CRR. Le statut de réfugié très parcimonieusement attribué est désormais frappé de précarité.
- Lors d'une décision implicite de rejet de l'Ofpra (déduction possible du silence de deux mois gardé par l'Office) le demandeur doit faire parvenir à la CRR avant un mois joint à son courrier de recours, la lettre d'enregistrement de l'Ofpra de sa demande d'asile… Sauve qui peut !!!