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Les manifestants en colère à Bangkok au lendemain d'un bain de sang

AFP, le 11 avril 2010

   

BANGKOK — Les manifestants thaïlandais criaient leur colère dimanche en exigeant que le Premier ministre Abhisit Vejjajiva quitte le pays au lendemain de violents affrontements avec les militaires à Bangkok, qui ont fait au moins 20 morts et plus de 800 blessés.

Ces batailles de rue, consécutives à l'instauration mercredi de l'état d'urgence, ont été les plus meurtrières en près de vingt ans dans le royaume, secoué par des crises politiques à répétition depuis le milieu des années 2000 et paralysé par une division chaque jour plus profonde de la société.

"Nous demandons au Premier ministre Abhisit Vejjajiva de démissionner immédiatement et de quitter le pays", a déclaré Nattawut Saikuar, l'un des leaders de l'opposition.

"Guerre civile", "Bain de sang", "Notre heure la plus sombre", titraient les quotidiens dimanche. Le dernier bilan des services de secours faisait état de la mort de seize civils, dont un caméraman japonais de l'agence Reuters, et de quatre soldats. Au moins 825 personnes ont été blessées.

Les affrontements ont fait suite à près d'un mois de manifestations pacifiques des "chemises rouges", nom donné aux partisans de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, contraint de quitter le pouvoir en 2006 après un putsch militaire et des accusations de corruption.

Les "rouges" réclament des élections législatives anticipées et considèrent Abhisit, à la tête du gouvernement depuis décembre 2008, comme illégitime.

Ce dernier refuse de démissionner. "Moi et mon gouvernement continuerons de travailler pour régler la situation", a déclaré Abhisit, évoquant "une enquête indépendante" pour désigner les responsables des violences.

"Il n'y a pas eu de balles tirées en direction des manifestants", a assuré pour sa part Panitan Wattanayagorn, son porte-parole, ajoutant que les forces de l'ordre allaient désormais "garder leurs distances avec les manifestants" afin que "la situation ne dégénère pas davantage".

Des milliers de personnes continuaient à occuper le quartier commercial et touristique de Ratchaprasong où les centres commerciaux sont fermés depuis neuf jours. Et les rues de la capitale étaient calmes à la mi-journée, y compris dans la vieille ville où se sont concentrés les heurts.

Des véhicules blindés abandonnés témoignaient de l'incapacité des militaires à prendre le dessus lors des affrontements.

"Le vice-Premier ministre Suthep Thaugsuban a demandé qu'on vérifie combien d'armes ont été perdues pendant les affrontements", a indiqué le porte-parole de l'armée, Sunsern Kaewkumnerd.

Selon les secours, la majorité des victimes ont été tuées par balles.

Les "rouges" ont accusé les militaires d'avoir utilisé des "armes de guerre" contre "des manifestants désarmés". Mais des témoins ont indiqué que des opposants avaient également eu recours à des armes à feu et à des engins incendiaires.

Dans la nuit, un cadre de l'opposition a appelé le roi Bhumibol, immensément révéré dans le pays, à intervenir. "Quelqu'un va-t-il informer le roi que ses enfants ont été tués au milieu de la route sans justice?", a lancé Jatuporn Prompan.

Le plus ancien monarque en exercice dans le monde, âgé de 82 ans, est hospitalisé depuis septembre et n'est pas intervenu publiquement dans cette crise.

Une cérémonie de deuil était attendue en fin d'après-midi près du monument pour la démocratie, où 16 cercueils étaient disposés sur le sol en attendant que les corps soient amenés de la morgue.

Dans un message sur son compte Twitter, Thaksin a présenté ses condoléances aux victimes. "Je voudrais demander au gouvernement et à l'armée de se souvenir que les +chemises rouges+ sont aussi des Thaïlandais", a-t-il écrit.

Les "rouges" ont aussi annoncé avoir rétabli le faisceau de leur télévision, la Chaîne du peuple" (PTV), coupée par le pouvoir après l'instauration de l'état d'urgence.