TEHERAN — Longtemps cantonnées à des actes de rébellion vestimentaires symboliques, les femmes iraniennes sont aujourd'hui au premier rang de la contestation dans les rues de Téhéran. Un rôle beaucoup plus visible que peu semblent aujourd'hui disposées à abandonner et que devra gérer le gouvernement conservateur de Mahmoud Ahmadinejad à l'avenir.
Contraintes de porter le voile et des tenues amples depuis l'avènement de la République islamique en 1979, les femmes d'Iran n'ont pu, pendant des années, témoigner de leur rébellion que par des artifices : faire dépasser une mèche de cheveux sous leur voile serré ou un pan de vêtement à la mode sous la robe ample ou le manteau, porter maquillage et ongles vernis...
Mais depuis le début des manifestations déclenchées après la présidentielle contestée du 12 juin, on les voit défiler aux côtés des hommes, crier leur opposition à Ahmadinejad, et même mourir dans la rue sous les balles, comme Neda Agha Soltan, dont les images amateur ont fait le tour du monde grâce à Internet. "Les Iraniennes sont très puissantes et veulent leur liberté", a expliqué par téléphone à l'Associated Press une femme ayant participé aux manifestations de Téhéran et qui a demandé à ne pas être nommée, par peur de représailles. "Elles sont vraiment réprimées et veulent en parler". La contestation des résultats du scrutin du 12 juin par le réformateur Mir Hossein Moussavi a été le catalyseur de la vague de protestation qui a envahi Téhéran. Mais le ressentiment et la colère sont plus profondément enracinés chez beaucoup parmi les 35 millions d'Iraniennes, qui redoutent qu'un deuxième mandat d'Ahmadinejad, élu en 2005 sur un programme de "valeurs islamiques", ne soit encore pire que le premier. "A la racine des troubles actuels, il y a le mécontentement et la frustration face à une détresse qui date d'avant l'élection", estime la prix Nobel de la paix et avocate Shirin Ebadi. "La présence des femmes est proéminente (dans les manifestations, NDLR) parce qu'elles sont la catégorie la plus mécontente de la société". Si les femmes au Proche-Orient ont déjà rejoint les hommes dans des manifestations - comme au Koweit après l'invasion irakienne en 1990, ou dans les Territoires palestiniens après des opérations israéliennes - les rares images venues d'Iran n'ont rien de comparable.
Face aux violences et à la répression, les Iraniennes sont aujourd'hui sur un pied d'égalité avec les hommes et ont donné au mouvement son arrestation la plus médiatique - la fille de l'ancien président Hashemi Rasfanjani-et son premier martyr - Neda Agha Soltan -, rôle souvent dévolu aux hommes dans la culture musulmane. "Elle (Neda, NDLR) représente cette jeunesse qui s'est déplacée avec espoir et idéalisme", analyse Ziba Mir-Hosseini, spécialiste des droits de la femme en Iran à l'université de Londres. "D'une certaine manière, elle est la première femme - martyr. C'est un martyr pour la démocratie".
Reste maintenant à savoir quelles seront les conséquences du mouvement pour les Iraniennes dans un pays où leur condition, malgré les restrictions de liberté, n'est pas comparable à celle des femmes dans d'autres pays musulmans tels que l'Arabie saoudite. Car, si la présidence et les fonctions religieuses leurs sont interdites, beaucoup d'entre elles sont élues au Parlement et occupent des postes politiques, et environ 65% des étudiants sont des femmes.
Sous le premier mandat d'Ahmadinejad, le gouvernement a mis en place des lois limitant les horaires de travail des femmes et la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires, et qui ont poussé beaucoup d'entre elles vers des postes à temps partiel. Une loi facilitant la polygamie a également été proposée, et les restrictions vestimentaires ont été fermement appliquées. Autant d'éléments qui font craindre aux femmes iraniennes un deuxième mandat du président conservateurs, et qui motivent leur soutien à Mir Hossein Moussavi, lequel -fait rare en Iran-a fait campagne avec son épouse, Zahra Rahnavard, à ses côtés.
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